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Mais de quelles élections libres, transparentes, loyales, parlez-vous alors que l’ambiance générale dans le pays baigne dans le scepticisme, la méfiance, la crise de confiance ? La Presse de Tunisie Lundi 22 Juillet 2013 Opinions - Processus démocratique Mettre en avant le socle de nos valeurs communes Larbi CHOUIKHA(*) L’impression qui prévaut depuis les élections d’octobre 2011 est celle de deux Tunisie qui s’observent, s’épient, scrutent le moment opportun pour ouvrir les hostilités entre elles : la société tunisienne tend à se cliver en deux pôles quasi antagoniques où l’ancrage aux territoires, aux identités, aux intérêts catégoriels et personnels prennent de l’ampleur et se déploient parfois au détriment de l’intérêt national et de la culture démocratique. Les raisons de ce clivage gisent dans la politique suivie par les gouvernements successifs depuis les dernières élections. Se prévalant de la légitimité électorale, Ennahdha et ses alliés de la Troïka ont entrepris de remettre à plat le dispositif créé par les instances qui avaient initié, entre le 14 janvier et le 23 octobre 2011, le cadre juridique et institutionnel de la transition. Dès le début de 2012, les dirigeants nahdhaouis ont montré qu’ils n’étaient pas très favorables au maintien de structures dont les principales figures, membres de la gauche « progressiste » ou réputées pour leur indépendance d’esprit étaient perçues comme des adversaires politiques. Ce faisant, en refusant de capitaliser sur l’expérience acquise par ses institutions, ces gouvernants allaient créer les conditions d’une crise de confiance entre acteurs du processus transitionnel, alimentée par la détérioration de la situation économique et sociale, l’absence d’un agenda politique précis et la tentation d’Ennahdha d’exercer son hégémonie sur l’appareil d’État et le secteur des médias. Et de surcroît, la focalisation du débat public sur des questions aussi controversées que celles liées à la question de l’identité, de la religion, ont eu pour effet de diviser les Tunisiens à un moment où leur cohésion était nécessaire pour créer les conditions propices à la réussite du processus démocratique. La primauté est donc donnée au renforcement de l’instinct de conservation qui anime bon nombre des dirigeants de ce mouvement. De ces faits, Ennahdha a instillé le doute sur ses réelles intentions politiques chez une partie des Tunisiens que la victoire du parti islamiste avait déjà mis en émoi. Sur cette lancée, les formations de l’opposition dans leur ensemble ne sont pas en reste. Leurs discours et leurs positions publiques se situent pour l’essentiel en opposition quasi systématique à la politique suivie par Ennahdha et ses alliés de la Troïka. Un clivage qui traverse tous les pans de la société Mais le plus déconcertant dans ce tableau, c’est de constater que ce clivage traverse tous les pans de la société ; du monde politique à celui des médias tous confondus, au monde de l’Université, à celui du mouvement social. Il sévit même à l’intérieur des quartiers, des familles, des entreprises, et prend des allures d’une bipolarisation protéiforme dans laquelle les Tunisiens, tous confondus, se trouvent acculés à se prononcer, à se positionner, à se «définir». Les conséquences de cette bipolarisation sont multiples et, souvent, difficiles à démêler tant les enjeux et la charge émotionnelle qui les enveloppe sont importants : que ce soit dans le monde des médias, de la culture, de l’Université…, la problématique de la pertinence des idées et de la rigueur des analyses, de la fiabilité des données, de la véracité des faits et de la vérification des sources, de la complexité du processus transitionnel, de l’intérêt public… s’efface peu à peu pour laisser place à un schisme de type manichéen aux conséquences incommensurables. Tel universitaire qui s’érige en expert à l’affût des shows médiatiques se mue aussitôt en pourvoyeur de cette bipolarisation ambiante succombant ainsi aux sirènes des médias. Dans les colloques scientifiques, dans les débats organisés par nombre d’ONG, dans les formations politiques toutes confondues, au sein de l’ANC…, le positionnement devient la règle. Il s’impose à tous les acteurs, à tous les intervenants. Et dans ce contexte, la nuance, le discernement, la raison, l’esprit critique, l’intérêt national ont du mal à se frayer un chemin au milieu de cette bipolarisation rampante. Même le terme de compromis tel qu’il est décliné au sein de notre auguste ANC devient problématique parce que, polysémique, et souvent circonstanciel, voire empreint de tacticité. Chaque force en présence sait que le sens officiel des termes renvoie aux interprétations qui découlent des rapports de force politique du moment. Et par conséquent, pour nos élites politiques confondues, mieux vaut donc en découdre de cette démonstration des arguties sémantiques pour ne se concentrer que sur les prochaines échéances électorales. Celles-ci devront logiquement pour nos élites aboutir à l’avènement de nouveaux rapports de forces politiques ! Vous avez dit élections libres et transparentes ? Mais de quelles élections libres, transparentes, loyales, parlez-vous alors que l’ambiance générale baigne dans le scepticisme, la méfiance, la crise de confiance ? Que des affaires non élucidées tels que l’assassinat de Chokri Belaïd, les évènements du Jebel Chaâmbi… ne font qu’alimenter la suspicion à l’égard de ceux qui nous gouvernent. Que des dossiers aussi symboliques que pesants renvoyés à chaque fois aux calendes grecques tels que la justice transitionnelle ou la vérité sur la révolution... ne font qu’attiser les tensions… Quand elle atteint son paroxysme, la bipolarisation peut dégénérer en une violence endémique aux risques incalculables, et l’issue des élections deviendrait, elle-même, source de violence et d’hostilités ouvertes pour les déclarés perdants. Dans ces conditions, qui pourrait nous prémunir contre les risques de débordement de la «rue» en cas de contestation massive des résultats officiels ? La raison, pour ma part, tient au fait que la «transition démocratique» telle qu’elle est ressassée dans le discours des acteurs politiques ou ceux des représentants de la société civile, tous confondus, apparaît souvent comme un artefact au contenu, aux objectifs, aux méthodes ambigus, voire contradictoires parfois. Et pour cause, «la culture démocratique» telle que s’en réclament ces acteurs, n’a pas de profondeur historique et n’a jamais innervé toutes les catégories sociales de la société. Les Tunisiens qui militaient pour la défense des droits de l’Homme et pour les libertés démocratiques depuis l’accession du pays à l’indépendance ont toujours été en nombre réduit, circonscrits à une catégorie sociale et culturelle, elle-même minoritaire en Tunisie. Et de plus, l’environnement géographique et politique dans lequel se meut le pays n’est pas propice à l’immersion d’une culture démocratique. Par conséquent, si notre vœu cher demeure toujours la réussite de cette transition, nous devons convenir, tous ensemble, sur les urgences du moment à sérier. Pour ma part, avant de nous lancer dans une aventure électorale, il convient d’abord de rétablir la confiance en l’Etat et en ses institutions, de réconcilier les Tunisiens entre eux en mettant en avant ce qui les unit en référence au socle des valeurs qui fonde la Tunisie d’aujourd’hui. Dans le même temps, il importe de concevoir une pédagogie à une longue échelle pour inoculer la culture démocratique dans toutes les strates de la société, pour développer le sens civique et l’intérêt public. Bref, pour renouer avec l’esprit qui a prévalu tout au long de la première phase qui avait conduit aux élections du 23 octobre. Ce défi se pose tout autant au gouvernement qu’aux formations de l’opposition et aux composantes de la société civile. *(universitaire)
Posted on: Wed, 14 Aug 2013 11:04:28 +0000

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