Mariage. - A Tétouan, ce nest pas lavenir qui effraye les jeunes - TopicsExpress



          

Mariage. - A Tétouan, ce nest pas lavenir qui effraye les jeunes gens, ce quils redoutent par-dessus tout, ce sont les lourdes dépenses occasionnées par près de trois semaines de fêtes qui accompagnent le mariage. Si le fiancé est pauvre, la dot en¬tière y passe, trop heureux encore si elle est suffisante. Depuis quelque temps heureusement, Tétouan a commencé à laisser de coté les anciennes traditions ruineuses et, bien que la forme ne soit pas changée, le fond nest plus le même. La pompe et lappa¬rat dautrefois commencent à disparaître et les jeunes gens peuvent déjà envisager le mariage avec moins de frayeur et plus de confiance. Les fêtes relatives au mariage commencent toujours un samedi; ce jour-là est appelé maïs. Le matin, un grand déjeuner est offert à toute la famille. Les proches parents qui doivent être présents aux noces abandonnent leur chez-soi et viennent sins¬taller à la maison pour tout le temps du mariage. Pendant la journée, les femmes vont rendre visite à leurs connaissances pour les inviter à la fête. Tufera. - Le lundi daprès, cest la tufera. Dans la matinée, le futur marié envoie chez sa belle-mère un plateau de dattes, da¬mandes et de raisins secs, recouvert dun tissu en soie. La femme qui le porte demande la tufera (ruban) qui retient les cheveux de la. jeune fille. La mère de cette dernière va le détacher et le remet immédiatement à la porteuse. A partir de ce jour, la fiancée ne met plus de ruban à ses cheveux. Pour bien comprendre ceci, il faut ajouter que les jeunes Tétouanaises ne se coiffaient pas autrefois à la mode dEurope; leurs cheveux, rejetés en arrière, retombaient sur le dos formant deux tresses retenues au bout par un ruban. Cest ce ruban que la porteuse réclame. La tufera nest plus considérée aujourdhui comme une cérémonie impor¬tante, elle nest plus célébrée que par quelques rares familles. Chez le fiancé, on prépare ce jour-là une espèce de sauce nommée alphéha, composée doignons, dhuile, de miel et daman¬des. Cette sauce ne devra être mangée que huit jours plus tard, cest-à-dire la veille et le jour de la célébration du mariage. Le lendemain mardi, a lieu le lavado primero. La fiancée revêt le costume que son père lui a fait préparer pour la noce; celui que son fiancé lui envoie ne pourra être mis que la semaine suivante pour la grande cérémonie. Dans laprès-midi, les femmes invitées viennent à la maison, où une collation leur est offerte. A partir de ce moment, jusquau jour où ene quittera la maison paternelle, la fiancée reste dans son lit en négligé, entourée de ses amies qui viennent lui tenir compagnie, Un mouchoir blanc en coton recou¬vre ses cheveux, qui flottent librement en arrière. Bab-el-hOfs. - Jeudi soir a lieu le bab-el-hors (porte de la noce). Pendant la journée, on invite les amis et connaissances pour quils viennent faire la prière du soir à la maison du fiancé. Après la prière, un dîner est parfois offert aux invités. Le dîner fini, on distribue aux enfants et aux domestiques hommes des cierges et des bougies. Les bonnes et les cuisinières prennent des balais et des baquets pleins de chaux, et tout le monde quitte la maison en chantant des vieilles chansons espagnoles au son dun tambourin. Les femmes de la famille, revêtues de leurs plus beaux habits, vont de maison en maison blanchir le seuil des portes, après avoir dessiné quelques hamsas (une main ouverte) sur les murs de la maison du fiancé. Elles parcourent ainsi presque toute la rue pour retourner ensnite chez elles toujours au son de la musique. Dans la rue, cette fête nocturne a un aspect des plus étranges. Pendant toute cette promenade, les enfants ne cessent de répéter le mot hulalé dont voici l’origine : La tradition rapporte que Laban, lorsquil promit à Jacob sa fille Rachel en mariage, et que, pour ne pas marier la cadette avant laînée, il lui substitua adroitement Léa, engagea les enfants à répéter ces mots hébreux hi Léa (cest Léa), doù on a fait par corruption hulalé. De retour à la maison, les invités font cercle autour des femmes, et celles-ci, prenant le tambourin, se mettent à danser tour à tour en tournant en rond. Pendant cette danse, les cuisinières et les domestiques, qui ne laissent échapper aucune occasion dex¬torquer de largent, présentent un plateau un peu au-dessus de la tête de la danseuse et les pièces de cuivre et souvent aussi les pièces blanches de pleuvoir aussitôt. Cette fête du bab-el-hors a lieu également chez la fiancée la même nuit et presque à la même heure. Saftarrai. - Le samedi daprès, Cest le saftarrai. (de l’arabe sebts erray ou samedi de l’opinion ou conseil) La veille au soir, quelque temps avant le coucher du soleil, la fiancée fait venir le coiffeur et le tahfife (coupe des cheveux en arabe) a lieu. Dans la nuit, son père, accompagné de ses amis, va chez son gendre pour linviter à dîner. Le fiancé ou novio part immédiatement. En entrant chez sa fiancée, il savance vers sa belle-mère et lui baise la main. Celle-ci répond à cet acte de courtoisie en lembrassant sur les deux joues. Et ne croyez pas que la belle-mère puisse sabstenir faci¬lement daccomplir cette formalité; la tradition lui fait presque un devoir de sy soumettre. A table, le novio est à la place dhonneur entre son père et son beau-père. Au milieu du repas, on envoie à la maison du fiancé un plat qui contient de tous les mets quon a mangés à table; il est destiné à ceux qui ne sont pas venus prendre part à ce dîner. Samedi matin, le novio, en toilette neuve, va à la synagogue, où il prend place sous le ‘oche. Inutile dentrer ici dans les détails qui ont déjà été exposés plus haut. Ajoutons quà lheure de la sortie du sefer, les femmes de la famille viennent à la synagogue pour lancer des bonbons au novio et aux invités lorsqu’ils sont appelés au séfer. Après la prière, un grand déjeuner, auquel sont invités le novio et sa famille, est donné chez la fiancée. Le plat que lon vous sert cest ladafina, le mets traditionnel. Pendant la journée, la maison est dans une grande animation, produite par la présence de plusieurs jeunes filles qui, venues dès le malin, ne se retirent que fort tard dans la nuit. Vers le soir, quelques familles ont lhabitude de monter sur la terrasse, et là se passe une scène des plus étranges : Le novio, habillé comme pour un jour de carnaval, ayant le plus souvent un turban sur la tête, monte sur les épaules dun de ses camarades, tandis que ses amis, groupés autour de lui, font pleuvoir sur son dos une grêle de coups de mouchoir quils tordent à cet effet avec assez dadresse. Metkal. - Voici une tradition quil sera, je pense, bien diffi¬cile de rencontrer ailleurs quau Maroc. Samedi soir, fort avant dans la nuit, quelques familles, pour la plupart originaires de lintérieur, ont lhabitude de célébrer une fête appelée metkal (nom arabe dune ancienne monnaie dargent). Vers minuit envi¬ron, le novio, en habit de carnaval et tenant une épée à la main, insigne du commandement, monte à cheval, accompagné de tous ses amis, également à cheval. Ils sen vont ainsi galopant dans les rues avec force lumières et une bruyante musique jusquà chez la novia. Pendant tout le trajet, les femmes qui ouvrent leur porte pour voir passer le metkal offrent quelques confitures au novio qui, naturellement, ne se refuse jamais à cet acte de cour¬toisie. Arrivé chez sen beau-père, le novio descend de cheval et entre dans la maison. Toute la foule le suit. Il se dirige tout dabord vers la salle où se trouve sa future, entourée de ses amies. Les jeunes filles, cachées derrière un rideau, présentent chacune la main ouverte dans lespoir de recevoir quelque cadeau, mais, ne connaissant pas les conventions préalablement établies entre les fiancés, elles ne reçoivent que de petits coups, que le novio administre au moyen dune baguette quil tient à la main. En dernier lieu, la fiancée présente sa main, et cette fois cest avec un bijou ou tout au moins avec une pièce dor quelle la retire. Quel¬ques minutes plus tard, les jeunes gens sen vont et de nouveau on monte à cheval pour ne se séparer que fort tard dans la nuit. Dans laprès-midi du lendemain, les notaires viennent chez le novio, et la scène à laquelle nous avons assisté à loccasion des fiançailles se répète de nouveau. Le fiancé prête serment quil donne lautorisation aux notaires de rédiger le contrat de mariage et ceux-ci se retirent après avoir .pris quelques confi¬tures. Dans la nuit, les femmes de la famille du fiancé vont chez la fiancée pour demander le trousseau. Elles sont accompagnées de quelques hommes portant des lanternes, de petits garçons tenant à la main des bougies, de plusieurs portefaix et du bedeau de la communauté. Arrivées à la maison, elles attendent à la porte que les portefaix ressortent avec le trousseau. Elles nentrent pas, dit¬on, afin de réserver toute la pompe et la solennité pour le len-demain soir. Le beau-père se hâte de donner le trousseau, quil accompagne dune liste sur laquelle sont inscrits tous les objets qui composent le trousseau de sa fille; la dot de cette dernière doit y figurer forcément. Cette liste est remise au bedeau, qui est chargé de la donner au fiancé sitôt quil sera arrivé chez ce dernier. Autrefois, le lundi matin, le fiancé faisait venir à sa maison un bœuf ou une vache, que les bouchers égorgeaient dans la cour. Avant de légorger, on lornait de soieries et dune grande quan¬tité de bijoux. Aujourdhui, cette habitude a presque disparu. Cependant, comme on a besoin de beaucoup de viande pour les jours qui suivent, on achète bien encore un bœuf, mais cest à labattoir quon légorge. Dans laprès-midi du même jour, le novio envoie chez sa future le costume qu’il lui a fait faire pour la noce. Il y ajoute encore un petit paquet de henné, de blanc de céruse et de vermillon, qui est les fards usités depuis un temps immémorial dans les noces juives du Maroc. La fiancée ne doit sen servir que le lendemain soir, où elle aura à quitter la maison paternelle afin de paraître très belle devant le public. Vers le soir, un grand- dîner est donné exclusivement aux femmes. Quand les invitées sont réunies, la mère de la fiancée va prendre sa fille dans son lit et procède immédiatement à sa toilette. Pendant tout ce temps, la jeune fille a les yeux fermés et il serait tout à fait inconvenant pour elle de les ouvrir. La toi¬lette achevée, on organise une danse qui ne dure que quelques minutes, puis on se met à table. Après le départ des invitées et vers minuit environ, la fiancée va au bain accompagnée de sa mère et de ses parentes. Cette même nuit, le novio qui est resté chez lui avec ses amis, attend, pour dîner, le taifor, plat qui com¬prend un morceau de tous les mets quon a servis à la table des femmes. Le lendemain mardi, les amis se réunissent pour pavoiser la chambre où les deux époux auront à passer les huit jours de houppa. Le plus souvent, on dresse au mil eu du salon une espèce de dais nuptial, où les époux doivent recevoir la bénédiction. Pen¬dant ce temps, la maison de la fiancée est aussi en grande anima¬tion. Cest en effet le jour du henné; la fiancée, ainsi que toutes ses amies se couvrent les mains de henné, en formant des dessins qui, très souvent, sont assez réussis. Elles présentent ensuite les mains au feu et bientôt on voit ressortir les dessins en belle couleur rouge. Lusage du henné nous vient des Arabes. Ces der¬niers, en effet, en font une consommation prodigieuse pour couvrir les pieds et les mains de leurs femmes. Nous arrivons enfin au moment où la jeune fille quitte la mai¬son paternelle pour aller vivre dune autre vie. Entrons un moment chez la fiancée et voyons la toilette quon lui fait pour la solennité du mariage. Dans un coin du salon, au milieu dun groupe de femmes, la novia est assise, habillée du costume traditionnel. Les femmes et les domestiques chantent quelques vieilles chansons en saccompagnant du tambourin. Dautres femmes, en attendant, donnent le dernier coup de main à la toilette de la fiancée. Après avoir poudré son visage de blanc de céruse, on colore ses joues avec du vermillon. Sur la tête, on lui pose un riche diadème, composé de deux SFIFAS cousues pour la circonstance. Les tresses des cheveux flottent librement sur le devant des épaules. Pendant tout ce temps, la jeune fille a les yeux fermés, elle ne pourra les ouvrir quà son arrivée chez son futur époux. Quand la toilette est achevée, on donne lordre de partir. Immédiatement, les «paytanim» entonnent leurs piyoutim, tandis que le père et le beau-père de la novia viennent à ses côtés pour lui prendre la main. Derrière la novia, un homme de haute taille vient se poster afin de lui maintenir la tête droite. Il est aisé de comprendre que la jeune fille, ayant un si gros poids sur la tête, aurait de la difficulté à ne point la rejeter en arrière, ce qui produirait un très mauvais effet. Plusieurs femmes venues de chez le novio pour laccompagner marchent à ses côtés, éclairées par quelques cierges que des domestiques tiennent à la main. La future mariée a aussi cinq porteurs de cierges devant elle, qui ne doivent jamais trop sécarter. Dans la rue, on marche si lente¬ment que l’expression : «andar como una novia» est devenue prover¬biale. A lentrée de chaque rue située sur le trajet à parcourir, on fait retourner la fiancée à droite et à gauche pour la faire voir aux jeunes filles et aux femmes qui lattendent au passage. Elle est accueillie par de nombreuses abargùalas poussées en son honneur. Arrivé à la porte de la maison, le père de la novia quitte sa fille pour retourner chez lui. La jeune fille est reçue par sa belle ¬mère, qui lui offre quelque légère confiture ou tout simplement un morceau de sucre avant quelle entre au salon; puis, elle est con¬duite sous le dais nuptial, quon a arrangé le jour même pour la recevoir. Quelques minutes plus tard, toute cette animation disparaît comme par enchantement. Tout le monde part, à lexception de la mère qui- doit rester avec sa fille toute la nuit. On sempresse aussitôt de débarrasser cette dernière de son lourd diadème ou « HEMAL », et peu après on sert pour dîner les « CRUCHESS » (espèce de soupe aux pois chiches). Bénédiction nuptiale. - Mercredi, cest le jour de la grande cérémonie de la bénédiction nuptiale. A la synagogue, le fiancé est assis sous le hoche. A lheure de la sortie, des domestiques tenant à la main des cierges allumés viennent se placer devant lui. Le novio quitte la synagogue sans ôter ses tefilin. Arrivé chez lui, il trouve la future mariée assise sous le dais nuptial, ayant à ses côtés sa mère et sa belle-mère, qui tiennent chacune une bougie allumée à la main. Le novio savance vers le dais nuptial. La mère et la belle-mère changent alors leurs bougies contre les cierges quon a apportés de la synagogue, Immédiate¬ment après, le grand rabbin récite la première bénédiction, puis il demande la bague dalliance et la montre à deux témoins pour sassurer quelle est bonne et au-dessus de la valeur exigée par la loi. Il la remet ensuite au novio, qui la passe au doigt de sa femme en récitant la phrase hébraïque bien connue. Quelques abargüalas sont poussées en ce moment, tandis que les assistants félicitent le novio. Le grand rabbin, déployant alors le contrat de mariage, en donne lecture à haute voix. Dans ce contrat, il y a un mot qui est écrit en très gros caractère. C’est le mot haï, dont la valeur numérique représente en centaines de douros (monnaie espagnole valant 5 francs environ) la somme à payer par le mari à sa femme dans le cas où il voudrait divorcer. Cest donc 1.800 douros (environ 9,000 francs) quil sera obligé de payer, sil lui prend fantaisie de se séparer de sa femme. Après la lecture du contrat, le rabbin récite les dernières bénédictions. A la fin, il casse le verre quil tient à la main. La cérémonie finie, on promène la nouvelle mariée dans la cour de la maison, de la même manière quon la fait la veille au soir, puis les tables sont dressées; les hommes dabord, les femmes ensuite, prennent quelques œufs durs et des confitures. A midi a lieu le grand déjeuner, qui est de rigueur. Dans les maisons riches, il ne finit que fort tard dans la nuit, de manière que les premiers déjeunent, les suivants goûtent et les derniers dînent. Le soir, après le départ de tout le monde, le nouveau marié dîne en tête-à-tête avec sa jeune femme. Le lendemain jeudi, dans laprès-midi, le nouveau marié reçoit les cadeaux de noces de sa famille et de ses amis. A partir de ce jour jusquau mercredi de la semaine suivante, le novio est obligé daller tous les matins à la synagogue et de sasseoir sous le hoche. Après la prière du soir, qui est faite dans sa maison pendant les huit jours de houppa, le marié va chez sa belle-mère pour la prier de venir dîner chez lui. Celle-ci ne manque jamais de se rendre à cette invitation et sins¬talle do nouveau à la maison jusquau mercredi de la semaine suivante. Ce mercredi, cest le dernier jour de la fête; on lappelle le jour du poisson. Dès le matin, les jeunes -gens qui ont été invités à la noce se réunissent pour acheter quelques moutons et du poisson, quils envoient chez le marié. La. nouvelle mariée, co¬quettement habillée en robe blanche, prend un petit couteau et fait semblant de nettoyer le meilleur poisson quon a apporté et qui devra faire les frais du dernier grand dîner. Pendant la jour¬née, le marié est invité à la harja (mot arabe qui signifie sortie) chez sa belle-mère, ainsi que chez ses frères et sœurs. Le soir, le grand dîner est donné et la fête est finie. Bulletin de L’Alliance Israélite Universelle N° 13 Année 1888
Posted on: Wed, 30 Oct 2013 11:01:00 +0000

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