Nous sommes tous des français d’origine étrangère Ah - TopicsExpress



          

Nous sommes tous des français d’origine étrangère Ah cette expression scélérate dont usent et abusent journalistes, politiques, marchandes des quatre-saisons, cette baveuse accolade verbale qu’on ne manque jamais de rajouter lorsqu’on évoque la situation d’une personne née de parents au pedigree douteux : français d’origine étrangère. Ce farouche et tendancieux idiome de “français de seconde génération” dont on nous caquète de plus en plus les oreilles, ne pourrait-on pas simplement le supprimer une bonne fois pour toutes de notre vocabulaire, l’éradiquer, le déclarer hors-la-loi tant il contribue à différencier d’une manière sournoise mais bien réelle les vrais des faux français, les bons des mauvais, les purs des impurs. A alimenter ce fantasme à jamais inassouvi d’une France blanche, chrétienne et parée des mille vertus qui empestent le parfum entêtant et pestilentiel du nationalisme, cette affirmation affectée de se déclarer de rang supérieur au seul prétexte de posséder un nom dont on retrouve les traces dans les bulletins des archives historiques. Qu’il doit donc être fatigant, épuisant, lassant, humiliant pour un Karim ou une Fatima de toujours être présentés sous cette appellation contrôlée de français d’origine magrébine alors que nés en France, éduqués à l’école de la république, élevés dans le respect de nos valeurs communes, ils n’ont d’étranger que ce beau nom qui les honore et les magnifie. C’est qu’ils auront beau briller au palmarès de nos universités, parader en tête de nos concours publics, s’illustrer par leurs mille et un talents, toujours il leur faudra redoubler d’efforts afin de convaincre leur voisin, leur employeur ou leur collègue de leur indéfectible appartenance à ce pays dont ils sont pourtant les plus-que-parfaits légitimes enfants. De devoir toujours redire que ce pays est tout autant le leur que celui de n’importe quel Alphonse de pacotille dont les origines certifiées gauloises se perdent dans le vestibule parfois crasseux de l’histoire nationale. Ou d’une Constance de souche qui se plaît toujours à raconter que son arrière-grand-père tâtait de la croupe de la baronne de Montmajour pendant que Grand-maman servait de la soupe aux armées napoléoniennes en déroute. Et qu’ils n’ont surtout pas à s’excuser d’avoir des parents nés au bled ou de déclamer leur tendresse pour cet autre pays envers lequel tout naturellement ils éprouvent une douce nostalgie, même s’ils ne le connaissent qu’à travers les récits de leurs parents ou les photos sépia trônant dans l’album de famille. On ne peut pas être coupable d’être né différent. Il faudrait cesser, sachant la difficulté de la France à se penser comme une société multiculturelle, avec cette exaspérante manie de toujours vouloir présenter le fils d’immigré comme un français d’origine étrangère, et partant, comme un français imparfait, comme un français relatif, comme un français inabouti dont on se complaît à penser qu’il nourrit en son sein le secret désir de défier la république ou de venir un jour ou l’autre pervertir notre identité nationale. Et de rappeler qu’hormis une infime fraction de la population pouvant remonter l’écheveau de son cadastre familial jusqu’à Pépin le Bref, nous sommes tous, absolument tous des français d’origine étrangère, des français rapportés, des français bigarrés, colorés, incertains, peut-être mêmes improbables. Et que nous soyons musulmans, catholiques, juifs, athées ou un peu tout à la fois, nous représentons à travers nos parcours heureusement variés la vraie richesse de ce pays qui sans l’apport de nos différences ne serait plus qu’un dépotoir désolé, un cimetière à l’abandon crevant de solitude dans l’enfer de son identité consanguine.
Posted on: Tue, 03 Dec 2013 15:37:03 +0000

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