Une valise, moins on en rentre et plus il en sort… Une heure - TopicsExpress



          

Une valise, moins on en rentre et plus il en sort… Une heure après mon débarquement derrière mes lignes ennemies, j’ai ouvert ma valise pour en retirer le strict nécessaire de mes effets les plus impersonnels. Pas envie de me reconnaître ; après tout, en changeant de murs, je change d’aventure et les verres, à pied et ballon, pour la pendaison de trêve ailleurs. J’ai pris à mon ancienne armoire, pour les donner à la nouvelle, mes trois caleçons en peau de chagrin, ma paire de moral dans les chaussettes, mon coup de blues-jean et ma chemise à manches perdues, sans la belle. Me souviens pas d’avoir chargé à une mort cérébrale ma valise, mais dans son fond des choses, j’y trouve encore et en trop d’abondance la poussière de mes chemins non parcourus, de mes meubles d’avant, du plancher de vaches croisées à mes hasards, de la bibliothèque de mes passés, et de mes espaces cosmiques. J’y retire par liasses entières les bribes de souvenirs des événements qui m’ont dépassé, des souvenirs de celles qui n’avaient pas leurs pareilles, les souvenirs de Toi comme si tu avais mille ans, ceux de mes enfances retombées, ceux de mes non écrits, de mes vers luisants, les souvenirs de mes marchands de tapis et de sable. J’y déniche en paquets percés les rognures des regrets de m’avoir auto-offensé par excès de petites lâchetés, des regrets de mes ongles rongés, de mes derniers mots, et de ma dernière fois. Voilà ! Ma valise est vide… Ah ! Non… J’aperçois qui dépasse d’une de ses poches les manches de mes casseroles et mes autres paires de manches. En tâtonnant, je sens dans une autre poche mes gros sur la patate, mes petits morceaux de bravoure, mes mordus à l’hameçon… Ah ! Oui ! J’allais oublier le double-fond de ma valise, où se sont cachés, blottis les uns contre les autres, mes tremblements de peur, de colère et de fatigue, mes récents élans vers Toi, les tic-tac endormis de mon vieux cœur, les toc-toc à la porte qui ne s’est jamais ouverte, les petits ruisseaux dont je voulais faire une grande rivière, et la pensée de la parure de diamants que je n’ai jamais pu t’offrir. Et pour être certain qu’il ne s’y cache pas une dernière petite chose, dans le tréfonds de ma valise, je la retourne et la secoue au-dessus du tapis de feuilles mortes… en tombent ma petite patte de lapin racornie, mon fer à cheval tout rouillé, mon numéro fétiche de marbre, le trèfle à quatre feuilles fané que tu m’as donné, et mes deux doigts croisés derrière le dos… Je comprends, à présent, ce mal de dos qui m’a coupé en deux, trois jours durant… Damnée valise !
Posted on: Wed, 02 Oct 2013 23:15:48 +0000

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