Vu de l’extérieur : mieux vaut tard que jamais Cet été, - TopicsExpress



          

Vu de l’extérieur : mieux vaut tard que jamais Cet été, j’ai eu l’occasion de voir la version d’un film documentaire intitulé « La transition ». C’est un très bon film d’investigation réalisé par Atanas Kiryakov et produit par Ivan Tonev (Ars Digital studios). Enfin une analyse profonde et émouvante de la transition bulgare jusqu’à nos jours ! Chaque samedi du mois de novembre à 18h un épisode d’une heure est diffusé sur BNT. Dans le film sont interviewés de nombreuses personnalités de l’étrange, et surtout de Bulgarie : ex-présidents, ex-premier ministre, des ministres, des politiciens, des historiens, des journalistes. J’ai repris quelques brefs extraits de certains intervenants : …Les oligarques d’aujourd’hui ont remplacé le régime totalitaire d’avant. Le modèle oligarchique-corporatif a remplacé le modèle oligarchique socialiste. Un pillage postcommuniste spectaculaire a été effectué. La transition vers l’économie de marché était une manipulation. Lélite de lancien parti communiste a maintenu sa position dans le pouvoir et dans l’économie. Il a été dit aux investisseurs étrangers – “nous vous permettons de travailler chez nous, si vous travaillez avec nous”. Dans cette transition démocratique artificielle vers une économie de marché, les ex-communistes ont réussi à s’enrichir avec des centaines d’entreprises et sociétés à l’étranger. Ils ont transféré l’argent dans des banques occidentales et l’ont fait blanchir par des offshore… …En Bulgarie, tous les gouvernements ont utilisé les dossiers des agents secrets pour ses propres besoins afin dobtenir certains dividendes politiques. Les généraux de la Sécurité d’Etat servent de nouveaux intérêts oligarchiques sur la base de leurs anciennes relations. Ils sont entrés en scène en se prétendant être la nouvelle bourgeoisie légitime et ont peu à peu complètement affaiblis les nouvelles institutions démocratiques, en établissant un contrôle sur elles. Puis, avec lacquisition de ressources, ils ont pour leur propre intérêt pris un contrôle plus direct et plus réussi sur chaque gouvernement et son administration. Finalement on abouti sur le système actuel où ce type de monopole oligarchique de lEtat et de léconomie est inséparable avec une imitation de libre marché… …Actuellement, nous sommes dans une situation de totale dépendance économique due aux membres de l’ex-securitat. Ils possèdent plus de 95% de la richesse nationale. Tout se fait sous le couvert de la classe politique, avec la participation opaque des gouvernements successifs. Les membres du gouvernement sont choisis et destitués par des oligarques issus de la mafia et de l’ex-securitat. Tout leur appartient. Le système économique et politique du capitalisme leur appartient. Et quiconque essaye de toucher à leurs intérêts économiques, paye de sa vie. Les dossiers des membres de l’ex-securitat ne sont pas détruits. La grande question est où sont ces dossiers ? Notre communisme sauvage et barbare s’est transformé en un capitalisme sauvage et barbare… …Quand je suis devenu ministre des affaires intérieures, on ma expliqué quune grande partie des archives du ministère avait été microfilmée – mais on ne les a pas retrouvais. Certains soutiennent qu’ils ont été expédiés par avion à Moscou. Nous savons tous que la Sécurité d’Etat était une branche du KGB en Bulgarie… … Nul besoin de se dire que les principaux acteurs de la soi-disant transition bulgare ne seront jamais découverts un jour. Les agents, notamment les plus importants sont fortement protégés... …Aujourd’hui, leurs noms ne seront pas dévoilés, parce que l’on comprendrait qu’une partie d’entre eux et leur famille font partie de lélite politique et économique. Gueorgi Parvanov président durant 10 ans était un ancien agent de la Sécurité d’Etat. Plusieurs fois les journalistes lui ont demandé s’il avait été un agent secret, et lui répondait à chaque fois « ha, ha, ha, vous allez me tuer avec cette question ! ». Mais il l’a enfin reconnu et malgré cela il a été de nouveau élu par le peuple Bulgare pour un second mandat... …Le système judiciaire est sous contrôle du pouvoir du parti et des oligarques. Il y a quelques années de cela, pendant plus dun an, les juges ne sont pas allés récupérer leur salaire, ce qui signifiait quils navaient pas besoin de cet argent. Mais pour vivre très à l’aise (construire une villa luxueuse et acheter des voitures haut de gamme) d’où provenaient leurs revenus ? Aucune enquête sur l’origine de ces revenus secondaire n’a été menée et ne le sera jamais. Depuis, leur salaire est viré directement sur leur propre compte bancaire comme en Europe Occidentale. L’ensemble du système judiciaire est le plus pourri de toutes nos institutions du pays. Notre législation date de 1968. Cest lhéritage du communisme… …En contrôlant les médias on contrôle les idées et la pensée de la nation. Les médias audiovisuels sont loutil le plus puissant pour manipuler les masses populaires. Les mentalités évoluent très lentement à travers léducation et sous linfluence des médias. On ne peut pas changer la mentalité d’un peuple lorsquil est réduit à vivre dans l’ultime pauvreté. Celui-ci regarde en arrière et dit « avant nous étions mieux, c’était mieux »... Et au lieu de voir les avantages de la démocratie il regrette lancien régime. Les crimes des membres du régime totalitaire nont pas été reconnus ni jugés. Pour les victimes surtout, cela est très douloureux et insupportable et ce nest pas un bon présage pour les générations à l’avenir… . …D’ailleurs au commencement même de la transition, les médias étaient les produits de laboratoire de ces mêmes personnes qui ont effectué les changements. Les médias audiovisuels existent à travers la publicité. En Bulgarie, un ex-officier de la Sécurité dEtat - Krasimir Guergov en a le monopole. Et encore aujourdhui, toutes les chaînes TV à couverture nationale dépendent de lui. Au tout début de la transition, les agents secrets passaient en prime-time et sont devenus par la suite des politiciens, des hommes daffaires et des propriétaires de médias. Les médias servaient entièrement de moyen de manipulation des masses populaires et produisaient les pseudo-leaders nécessaires pour les membres de l’ex-securitat. Ces médias ont changé la perception de ce que doit être lélite et la hiérarchie de lautorité dans la société… Le film de Kiryakov fait un amer bilan qui résonne quelque part comme un repentir de certains exécutants de cette transition non réalisée. En 1996, dans une lettre ouverte, j’ai écrit : « Les personnages principaux sont une fois de plus dans l’ombre et attendent. Ils ont besoin de temps pour se transformer en capitalistes féroces, purs et durs. Les anciens experts des services secrets ouvrent des banques, des compagnies d’assurances, des sociétés, forment des groupes économiques.. Le parti change de nom mais pas de nature. Il est de nouveau aux commandes ! Les récalcitrants sont une fois de plus sanctionnés. Non par la répression politique, mais par des procédés beaucoup plus raffinés : le racket, les vols qu’on fait passer pour des règlements de comptes et les menaces de mort. Les réfractaires sont éliminés par des criminels « insaisissables ». Une partie de la population, la plus lucide, a compris la réalité et opte à son tour pour l’émigration. En quelques années, plus de sept cent mille personnes entre vingt et quarante ans ont quitté le pays. Ceux qui avaient des diplômes, l’esprit d’entreprise, des compétences, sont partis à l’Ouest, sans savoir que là aussi, les rôles étaient depuis longtemps distribués. Ils vivront au moins dans des pays vraiment démocratiques, respirant librement un air beaucoup plus sain… Chacun pour soi, unis uniquement par la nostalgie de la Patrie, qui avec les années devient plus obsédante. Avant l’entrée dans l’UE, les dossiers des services secrets seront-ils ouverts ou au contraire, seront-ils détruits sous le prétexte de paix sociale? Serons-nous en Europe sans avoir démasqué les opérations raffinées des rapines... Sans avoir dénoncé, ni châtié les criminels au sommet de la pyramide, sans avoir arrêté les intrigues des partis politiques ?. La bassesse, la lâcheté, la haine, le désaccord et les divisions du peuple bulgare subsisteront-ils ?. Le banditisme, la corruption, les meurtres et les vols seront-ils attribués à la démocratie par les bandits corrompus, assassins et voleurs ? Serons-nous un jour des Européens, sans justice, sans foi ni loi ? Sans avoir la possibilité d’accéder à la politique pour les citoyens honnêtes, loyaux, compétitifs. Sans avoir rallié les forces dispersées aux quatre coins du monde, des bulgares qui ont fait leurs preuves dans des conditions de concurrence en Occident, qui ont acquis des richesses de façon légale et qui sont devenus des personnes estimées. Les services secrets seront-ils toujours au pouvoir et laisseront-ils les imigrés bulgares simpliquer en politique ? La seule chose qui leur sera accordée cest le droit de payer, de leur faire des dons et de voter pour eux… » Depuis cette époque, plusieurs gouvernements se sont succédés et la dernière coalition des socialistes, du partie de la minorité turque et « Ataka » en place depuis quelques mois va tomber à chaque instant. Quelques semaines après les élections truquées, les manifestations de la jeune génération ont repris et ont succédé par l’occupation des étudiants de l’Assemblée Nationale. Après la chute du gouvernement actuel, il y aura de nouvelles élections. Mais tous les problèmes de fond analysés avec beaucoup de subtilité dans le film de Kiryakov (qui sont déjà réglés dans les autres pays post-communistes), nous obligent à les résoudre de toute urgence. Il faut qu’un débat sur les problèmes de fond, depuis la chute du mur, soit entamé par les chaînes de la télévision nationale, comme cela se pratique en France. Un débat, constructif, excluant tous les leaders des partis politiques qui se sont succédés depuis la chute du mur. Un débat avec les jeunes générations à la source du mouvement de protestation qui demandent la destruction du système oligarchique et mafieux - et un vrai changement démocratique et social. Va-t-on enfin ouvrir tous les dossiers de la Sécurité d’Etat (branche du KGB) pour savoir où nos futurs gouvernements comptent nous conduire : vers lEurope multinationale ou vers la Russie impériale? Quels changements devront être introduits dans la loi électorale ? Sera-t-il enfin permis aux bulgares à l’étranger de participer aux élections ? (Ceux qui ont quitté le pays en raison de labsence de justice, de l’impunité, de la corruption de masse étatique, de l’humiliation du pouvoir envers ceux qui ont refusé de coopérer à la destruction du pays, contre le monopole des mafieux et l’ex-DC dans tous les domaines, en raison de la mauvaises conditions économique et de bouleversement total des valeurs.) Quand y aura-t-il la loi de lustration ? (Qui sont ces 500 familles qui ont la main mise sur léconomie, les partis politiques, les syndicats, la santé publique, la science, léducation, les marchés publics, les médias, les subventions de lUnion Européen? Y aura-t-il une enquête sur le groupe TIM qui détient presque la totalité de léconomie du pays et qui est plus riche que lEtat? ) Quand y aura-t-il une nouvelle constitution? Est-ce que dans les partis politiques qui sont candidat au pouvoir, il y aura assez de représentants de la jeunesse qui proteste ? 25 ans c’est beaucoup de temps perdu pour le pays. Il est plus qu’urgent que tous les prétendants aux pouvoir se rendent compte que si les problèmes de la société bulgare ne sont pas mis enfin sur la table pour les résoudre, et si le pillage, la manipulation et l’imposture perdurent, l’avenir du pays est plus qu’incertain. Comme on le dit si bien : « mieux vaut tard que jamais » ______________________________________________________________________________ Nicolaï Tomov (dit Thomas) est installé en France depuis 1985. Auteur, réalisateur et producteur de TV reportages et films documentaire. Certains de ses films ont été sélectionnés à différents festivals en Europe et au Canada.
Posted on: Fri, 29 Nov 2013 07:36:28 +0000

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