Grossesse sous anticoagulants : quelle programmation, quelle - TopicsExpress



          

Grossesse sous anticoagulants : quelle programmation, quelle surveillance ? B. Carbonne Les situations où un traitement anticoagulant se justifie au cours de la grossesse sont de plus en plus nombreuses. Les choix thérapeutiques sont également plus larges aujourd’hui, ce qui nécessite une bonne connaissance des effets maternels et foetaux de chaque classe. Schématiquement, on peut distinguer 3 situations principales: - il existe un risque thromboembolique majeur préexistant à la grossesse - il existe un risque thromboembolique maternel particulier pendant la grossesse et le post-partum - il existe une indication foetale de traitement anticoagulant pendant la grossesse Risque thrombo-embolique majeur préexistant à la grossesse Il s’agit de la situation la plus délicate, à la fois à cause du risque majoré de thrombose mais aussi du fait des risques liés aux médicaments utilisés. Les situations à très haut risque thrombo-embolique en dehors de la grossesse sont notamment : - Antécédent(s) d’accident(s) vasculaire(s) cérébral(aux) avec facteur de risque identifié (thrombophilie familiale, syndrome des antiphospholipides,...) - antécédents de phlébite et d’embolie pulmonaire, avec facteur de risque biologique associé (thrombophilie familiale, syndrome des antiphospholipides,...) - antécédents thrombo-emboliques multiples, même sans facteur de risque biologique identifié - valve cardiaque mécanique ++ Dans la grande majorité des cas, ces femmes sont sous traitement au long cours par anti-vitamine K (AVK). Classiquement, la grossesse est considérée comme une contre-indication aux AVK, au moins au premier trimestre du fait du risque tératogène foetal (warfarin syndrome associant des anomalies de la face à type d’hypoplasie de l’étage moyen, microphtalmie, des anomalies du squelette de type chondrodyplasie, des anomalies des extrémités...). L’attitude a donc été pendant longtemps de prendre le relais des AVK par de l’héparine à dose efficace pendant le premier trimestre, quitte à passer de nouveau sous AVK au deuxième trimestre. Il existe cependant un conflit d’intérêt important entre la mère et le foetus dans ces situations à très haut risque, car la survenue d’un accident thromboembolique majeur survient fréquemment lors des relais de traitements anticoagulants. Sous traitement par HBPM, des taux de thrombose de 10 à 20% au cours de la grossesse ont été rapportés. Avec les AVK, le risque malformatif étant estimé à environ 5% des foetus exposés, on considère actuellement que la balance bénéfice/risques est plutôt en faveur de la poursuite des AVK tout au long de la grossesse jusqu’à proximité de l’accouchement. Une surveillance échographique ciblée est naturellement recommandée dans ce cas, à la rechercher des malformations citées précédemment (Bony et al. 2002). En cas d’antécédents thrombo-emboliques veineux, une contention élastique est recommandée tout au long de la grossesse et du post-partum En fin de grossesse, le traitement par AVK doit impérativement être interrompu pour l’accouchement du fait du risque hémorragique majeur lié à ce traitement. Dans les formes les plus sévères de risque (valve cardiaque mécanique), il est recommandé de ne pas interrompre totalement tout traitement anticoagulant. Un relais par héparine non-fractionnée à dose efficace est pris au cours du 9ème mois (prévoir au moins 3 à 4 jours de chevauchement des 2 traitements, pendant lesquels persiste l’effet des AVK) et poursuivi à dose préventive tout au long du travail. L’anesthésie péridurale étant contre-indiquée, une analgésie par morphiniques à la seringue auto-contrôlée peut être une alternative acceptable. Les AVK peuvent généralement être repris dès J1 dans le post-partum, en prévoyant à nouveau 3 à 4 jours de prise simultanée de l’héparine et des AVK. En France, les AVK ne sont pas prescrits chez la femme qui allaite. Pourtant, l’expérience accumulée aux États-Unis avec la Coumadine est rassurante et les taux plasmatiques de ce traitement sont indétectables chez le nouveau-né nourri au sein (Orme et al. 1977). Risque thrombo-embolique lié à la grossesse et/ou au post-partum Il s’agit essentiellement des situations suivantes : - femmes porteuses d’une thrombophilie identifiée biologiquement, sans antécédent personnel de thrombose - femmes ayant un antécédent thrombo-embolique ancien, sans facteur de risque identifié Le débat concernant la date de début du traitement anticoagulant et sa dose est loin d’être clos. Néanmoins, certains points sont à peu près admis : - Un traitement pas héparine de bas poids moléculaire (HBPM) peut être utilisé pendant la grossesse - Les doses habituelles sont préventives (pex : enoxaparine (LovenoxÒ) 0,4 ml ; ou dalteparine (FragmineÒ) 5000 UI, en une injection quotidienne) - Le traitement doit être poursuivi 6 semaines en post-partum - Une contention élastique est recommandée tout au long de la grossesse et du post-partum La période de l’accouchement reste le moment le plus délicat à gérer pour les femmes dont le traitement a été débuté pendant la grossesse. Ici, le risque thrombo-embolique n’est pas incompatible avec une interruption transitoire, jusqu’à 24-48heures, des anticoagulants. Deux attitudes peuvent être proposées : - attendre l’entrée en travail spontané et ne pas faire d’injection d’anticoagulant dès qu’apparaissent les premières contractions. Le risque hémorragique lié aux HBPM est minime lors de l’accouchement. En revanche, l’anesthésie péridurale risque d’être impossible car la plupart des anesthésistes demandent un délai minimum de 12 h (et souvent 24h) après la dernière injection pour réaliser la pose du cathéter. - Déclencher l’accouchement 24h après la dernière injection d’HBPM, ce qui implique parfois un certain délai avant le début du travail si les conditions cervicales sont défavorables, nécessitant un déclenchement par prostaglandines, avec un travail souvent plus long et un risque accru de césarienne. Le choix entre ces deux attitudes dépend de chaque cas individuel, de l’importance du risque, des traitements utilisés et de leurs doses. anticoagulants pour risque foeto-placentaire On entend dans cette catégorie toutes les pertes foetales ou pathologies vasculaires placentaires sévères (RCIU sévère, pré-éclampsie, HELLP, HRP...), dans lesquelles une thrombophilie maternelle a été identifiée alors que la mère n’a jamais eu d’antécédent thromboembolique personnel. La situation la plus typique est celle du syndrome des antiphospholipides primitif (Bats et al. 2004). Le traitement de référence en cas de SAPL est aujourd’hui l’association et d’HBPM à doses préventives. La date de début du traitement dépend de la pathologie à prévenir : - En cas de fausses couches spontanées précoces répétées, l’aspirine est débutée en période péri-conceptionnelle et poursuivie pendant la grossesse. L’HBPM est débutée dès confirmation de la grossesse après quelques jours de retard de règles. Le plus souvent, l’HBPM pourra être interrompue à la fin du premier trimestre de la grossesse. - En cas de pertes foetales plus tardives, les deux traitements peuvent être débutés dès confirmation de la grossesse et poursuivis jusqu’au troisième trimestre (35-36 SA pour l’aspirine et jusqu’à l’accouchement pour l’HBPM). Dans tous les cas, une contention élastique maternelle est souhaitable tout au long de la grossesse, même en l’absence d’antécédent thrombo-embolique personnel. De même, le traitement anticoagulant par HBPM sera généralement poursuivi 6 semaines dans le post-partum. Modalités de surveillance d’un traitement par HBPM Le traitement par HBPM est d’utilisation relativement simple, au moins pour les patientes qui effectuent elles-mêmes les injections sous-cutanées. En cas de traitement à doses préventives (pex : enoxaparine (LovenoxÒ) 0,4 ml ; ou dalteparine (FragmineÒ) 5000 UI, en une injection quotidienne), une seule injection quotidienne est nécessaire et il n’est pas utile de réaliser une surveillance biologique de l’efficacité. Il est cependant nécessaire de réaliser un contrôle de numération plaquettaire 2 fois par semaine au cours du premier mois de traitement à la recherche d’une exceptionnelle thrombopénie induite par l’HBPM. En cas de traitement à dose efficace, deux injection quotidiennes sont nécessaires. La dose initiale est adaptée à la corpulence de la patiente. Le suivi de l’activité anti-Xa est recommandé afin de vérifier l’efficacité du traitement ou d’adapter les doses. Seul la tinzaparine (InnohepÒ) permet un traitement efficace par une seule injection quotidienne. Références Bony C, Zyka F, Tiran-Rajaofera I, Attali T, De Napoli S, Alessandri JL. Warfarin fetopathy. Arch Pediatr 2002;9:705-8. Orme ML, Lewis PJ, de Swiet M, Serlin MJ, Sibeon R, Baty JD, Breckenridge AM. May mothers given warfarin breast-feed their infants? Br Med J 1977;1(6076):1564-5. Bats AS, Lejeune V, Cynober E, Safar E, Gonzales M, Milliez J, Carbonne B. Antiphospholipid syndrome and second- or third-trimester fetal death: follow-up in the next pregnancy. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2004;114:125-9. Service de Gynécologie-Obstétrique Hôpital Saint Antoine, Paris lesjta
Posted on: Sun, 22 Sep 2013 12:25:57 +0000

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