5 Juillet 1962 : l’indépendance de l’Algérie. Une - TopicsExpress



          

5 Juillet 1962 : l’indépendance de l’Algérie. Une datte arrachée de mille souffrances parmi d’autres de son histoire depuis les Numides. Jusqu’à ce jour l’Algérie n’a pas fini de naître pour plusieurs raisons. 1962 est un défit colossal par les Algériens d’autrefois comparativement à ceux d’aujourd’hui, déviés par les régimes installés à la convenance de certains qui ont engendré un état d’esprit presque artificiel, sans identité réelle ; un résultat de beaucoup de discordes sociales parce que dénaturé par le mensonge, l’hypocrisie et la corruption. Mais revenons à la guerre d’Algérie. Que de femmes déshonorées, torturées et terrorisées ! Des enfants traumatisés à la cicatrice profonde dans la mémoire nationale, cette souffrance indescriptible des femmes et des enfants ; une souche qu’on essaye d’effacer de la scène comme si la guerre ne concernait que les hommes. Que reste-t-il à ces rescapés de l’enfer la veille de l’indépendance ? Si ce n’est des larmes pour essuyer les blessures de l’âme pendant que les autres faisaient la fête, une fête d’insouciance qui a duré plus de deux ans. Personnellement je n’avais pas 204 le cœur à supporter tant de bruit. Alors je quittais l’Algérie en 1964, laissant la fête à ceux qui n’ont rien perdu. Je partais de souffrance à la recherche de je ne sais quoi, je ne sais qui. J’avais l’impression de naitre catastrophiquement pour une deuxième fois mais avec le cauchemar de la guerre. Heureusement que j’ai connu Marie qui m’a tout donné et Said qui a veillé sur moi. L’un est mort, l’autre est partie. Je restais avec ma mère et le souvenir de la guerre. Puis je me rends compte que la guerre est finie, ma mère aussi. Alors je partais de solitude à la recherche de mon enfance et de mon adolescence. « Un camion et une nuit et c’était les lointains rivages. A la porte d’Italie où commencent les voyages… Si tu ne me laisses pas tomber… » La chanson de G. Lenormand faisait ravage. Une longue caisse en forme de sarcophage. Non ce n’était pas une momie. C’était les dattes de mon voyage. Paolo était dans les parages avec son équipage. A Tunis, il m’attendait pour tourner la page. Naples, Milan et les îles sauvages. Turin la ville cosmopolite, Paris ne m’a pas plu : j’étais mal reçu. Je n’étais que de passage avec d’autres regrets, d’autres rages. Plus folles encore, des femmes qui jalousaient Marie étaient entrées dans ma vie. Lucia qui allait devenir « La Marie d’Italie ». Cette femme a bouleversé ma vie. A Rome, j’ai vu ma fille et Marie. Que de larmes de ma mort et de ma vie ! C’était là que prit fin la guerre d’Algérie et le début d’une autre vie. C’était vendredi à une minute de samedi. Heureusement qu’il faisait minuit autrement dit la caisse m’aurait attirée des ennuis. De fatigue je m’étais allongé dessus. Paolo savait que je courais vers lui mais pas dans la nuit. « Je puais l’alcool », 205 des bouteilles vides qu’on ramenait en quelque sorte. Je ne voulais pas déranger sa porte. Minuit ou midi peu importe. Avec le calme et la tranquillité du port, ma tête se mit à vibrer et sur tout mon corps la liberté. L’air frais et salé des bateaux qui oscillaient comme pour me saluer, je savourais le plaisir du décor. Ma tête tournait encore. J’étais l’effet du camion qui dure encore. La farine dans les narines et l’odeur de l’alcool qui débordait par dessus bord, nous rendait ivres à oublier le sort. Des bouteilles parfois vides parfois pleines n’arrêtaient pas de tinter le verre sur ce sol aride du désert pourtant sous la farine pour étouffer le son et le ton, des notes d’une chanson lugubre tout au long, ce bruit qui vous arrive jusqu’au « pont ». Oh, pardon ! Je voulais dire le bruit du camion, un bruit régulier et monotone qui nous forçait à l’écouter, qui nous emprisonnait dans son parti unique comme une religion monothéiste, qui vous force à oublier qu’on existe, qui vous suffoque à perdre le Nord, un supplice pour l’amour de Tunis. La fatigue et l’envie de dormir me faisaient croire que la lourde caisse m’était dessus à me faire noyer dans la mer, que dans ce cauchemar les dattes risquaient de pourrir à leur donner un goût amer et moisi de caviar, que je pris la décision de ne plus faire le soûlard et de forcer le jour à me venir, de presser la nuit de partir quand un marin beau comme la vie s’approcha de moi et me dit : « Le Qualife ? » – C’est moi, « Vieux radar ! » lui répondis-je, repris de mon déluge. Et comme un souffre douleur, Il m’enlaça de ses bras en me serrant très fort. Je sentis qu’il partage mon effort, ma joie et ma peine car j’étais le plus jeune à rejoindre le club de la haine, saupoudré de 206 sable et de farine ; la farine de la paix et de l’espoir qui vous délivre du terroir. – Ça fait longtemps que tu es là ? Je vois que tu t’es débrouillé un lit parmi les colis. – C’est pas un lit. C’est mon colis. Il contient des dattes pour tous les amis. – Et tu as traîné cette misère depuis ton désert ? – J’ai voyagé en camion. Il est là dans le port pour charger de l’alcool. Tu dois le connaître. Il est notre boite postale à Biskra. – Allez viens, tu dois te reposer. – Qu’est ce que je fais des dattes ? – Ne te casse pas la tête. Les matelots vont s’en charger. – Tu savais que j’étais là ? – Bien sûr ! J’ai appelé Rahmoun, l’ami de Said. C’est lui qui m’a dit que tu étais parti. Je t’attendais à 24 heures prés, quoi ! – Je n’arrive pas à croire à ce voyage. Je n’ai jamais quitté mon village. – Je sais. Je sais tout de toi depuis ta relation avec Marie. – Elle va bien ? Brunette doit avoir six ans maintenant. Que penses-tu si je fais un saut à Paris ? – Tu sais très bien que Mr. GERVAIS ne voudrait pas te voir là-bas ! Mais enfin tu es venu pour moi ou pour Marie ? Chez Mr. GERVAIS tous les pistolets sont chargés pour toi. Alors écoute ce que je te dis ! Marie aussi ne va pas approuver ta visite. C’est pas le moment c’est tout. Tu laisses le temps faire si tu veux que tout rentre dans l’ordre. Pour l’instant la barrière c’est pas Marie. C’est son père. Il mourra un jour, 207 non ? Et puis des Marie y en plein il me semble. A ta place, j’attendrai jusqu’à ce que Marie prenne la décision de demander après toi. Maintenant changeons de sujet, tu veux ? Tu dois d’abord apprendre à tanguer sur un bateau. Je sais, vous autres les gens du désert, vous avez les idées fixes et vous regardez le plus loin possible sans se soucier où vous mettez les pieds. Ici c’est pas pareil. Ici, c’est la mer ; un monstre redoutable avec lequel il faut ruser pour qu’il ne nous mange pas. Tu vas voir, la marine va certainement te plaire au point d’oublier Marie. Capito ? – Capito. Maintenant dis-moi où dois-je me nettoyer du sable et de la farine ? – Dans ma loge, il y a tout ce qu’il faut. Tu dormiras toute la journée. J’ai programmé qu’on dîne chez Paulette qui sera ravie de te voir. De toute façon tous les Goélands de Tunis seront là pour faire la fête. Nous en avons besoin.
Posted on: Tue, 10 Sep 2013 07:03:46 +0000

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