Ballades Rock Rock and roll Spit it John aime prononcer « - TopicsExpress



          

Ballades Rock Rock and roll Spit it John aime prononcer « Habit Rouge », le parfum de Guerlain, et prend un air très détaché lorsqu’il sort de sa valise un flacon avec un énorme cabochon en forme de lèvres, signé Salvador Dali. Opium, l’ouvrage de Jean Cocteau en version américaine, ne tarde jamais à rejoindre sur sa table de chevet Junky de William Burroughs. Home is where the heart is ! is’nt it ? John n’a jamais utilisé de produit sous prétexte qu’il a des problèmes d’ordre psychologique ou métaphysique. Il n’en fait pas l’apologie non plus. Il estime que les gens n’ont pas besoin de l’apport des drogues pour s’autodétruire, qu’elles soient licites ou illicites. Son imaginaire est stimulé aussitôt qu’il pose le pied à Roissy-Charles-de- Gaulle. L’esthétique et le goût français satisfont en grande partie ses aspirations. Pour ce qui est du rock version française, en revanche, son sourire – plutôt un rictus – tend à transformer son expression faciale en une bobine qui reste imprimée dans la mémoire de ceux qui le connaissent un peu. Quand la commissure des lèvres remonte ainsi, cela signifie que cela dépasse sa capacité de compréhension. Il n’est pas difficile de deviner qu’il préfère ne pas se prononcer, car il ne sied pas d’avoir l’air négatif, surtout en public. Mais son silence accompagné d’un froncement de sourcils en dit long. À quelques rares exceptions près, il existe une incompatibilité définitive entre son oreille et cette musique qui répond selon lui, à un certain mode de vie, et le mode de vie français lui paraît passer par trop de relais cérébraux qui gomment la spontanéité nécessaire, dès qu’il s’agit d’exécuter ce genre de musique. Je dois admettre que la considération est de première importance. Je repense à Warhol, qui me confia un jour, au cours d’une de nos rares discussions, qu’il pensait qu’il y avait un décalage d’environ cinquante ans pour qu’un phénomène qui se déclenche en Amérique soit assimilé en France. Que dirait-il aujourdhui lorsquen matière doriginalité musicale, même New York ressemble à un no mans land. Cela me sembla exagéré sur l’instant, cela étant, le recul me permit de constater plus d’une fois que Warhol avait voulu rester poli et positif. John pense qu’il est peine perdue d’envisager de changer quoi que ce soit dans ce pays concernant la musique rock. Ce que Phil semble avoir compris depuis belle lurette, je dois l’admettre. Quant à la tête que fait John lorsqu’on sort dans Paris pour assister au concert d’un groupe de rock français, je me contenterai de dire qu’il donne l’impression de regarder une bande de martiens. Des mélomanes qui confondent rockabilly et twist ! ! ! Sa stupéfaction vaut le coup d’œil. Il est impossible de ne pas éclater de rire, malgré nos efforts pour ne pas tomber dans la moquerie. Nous prétendons une compassion tout à fait fausse. Pour lui qui vient des rues de New York, ces efforts de reproduction semblent assez proches de la caricature. « You cant do a thing if you aint got that swing »... El Duende ! Tu l’as ou tu ne l’as pas, c’est tout. Que rajouter à ça ? Le problème en France, c’est qu’en matière de rock, on croit compenser le feeling par la technique. Il est facile de comprendre que ce n’est ni dans les mœurs, ni dans les gènes, ni dans la culture française. J’ai la plus grande admiration pour Brel, que j’ai eu la chance de voir sur scène, Piaf et certains artistes. Aucun Américain ne peut capter le feeling de Colette Renard. Serge Gainsbourg n’a lui-même jamais prétendu faire du rock. Toutefois je considère que cela doit être possible lorsque j’entends les Rita Mitsouko, qui font preuve d’authenticité et d’originalité, Nino Ferrer ou Arno. Le drame, c’est qu’une grande part des musiciens ici ne savent plus qui singer : un coup les mods, un coup les rockers, un coup les punks... N’importe quoi qui les éloigne de l’originalité et de la créativité de cette musique. Ils s’attifent comme l’as de pique, prennent la pose, se gargarisent de clichés pathétiques, dégueulant dans un micro leur frustration noyée dans une mélasse indescriptible, inventant un boucan du tonnerre, particulier et immédiatement reconnaissable, que l’on entend nulle part ailleurs dans le monde. Qualifier ça de rock, c’est une autre histoire. Jouer au rock n’est certes pas jouer du rock. Une fois de plus, l’habit ne fait pas le moine. Toute panoplie pompée sur les Anglais ou les Américains ne participe que très superficiellement à l’esprit du rock. On ne doit pas attendre d’un cerisier de produire des fraises. Aucun sens du phrasé, du rythme, aucune spontanéité, aucun des éléments qui constituent le feeling. Les réels talents qui se sont manifestés dans ce pays ont été occultés par l’industrie qui peut se targuer d’avoir la variété dans le sang. Qu’il s’agisse de Ronnie Bird, Vince Taylor ou Vigon et une poignée d’autres, ils ont été écartés. Cela étant, ils font bien trop de tort à nos twisters chéris. L’esthétique, élément de base primordial, n’en parlons même pas. En revanche, je salue ces musiciens frenchies pour avoir le cran de monter sur scène, à l’aise dans leurs baskets. Ça, ça m’épate. Des oiseaux de paradis en flag de parade amoureuse ! Il existe un monde entre le fait d’être influencé – ce qui est l’histoire même du rock – et celui de se contenter de copier. Nothing you can do that has’nt been done. All you need is love. John Lennon. Little Richard, lassé d’être copié, décida un beau jour d’accélérer le tempo de ses compositions afin de décourager les suiveurs. Je ne suis pas loin de penser qu’il en va de même pour ce qui est du rap, dont la plupart des représentants français se limitent à singer les Américains et à produire des discours pathétiques dépourvus de générosité, relatant la violence des cités qui est bien réelle, eux qui à l’âge de vingt-cinq ans vivent encore sur le dos de papa et maman. Nous savons que cette musique black et blanche trouve ses racines dans le blues du Delta du Mississippi. Les fameux trois accords ont été faits et refaits. L’originalité réside dans la façon personnelle de les interpréter. Je tiens Eddy Cochran pour un créateur. Il fut un des premiers à reprendre ces accords à son compte en les jouant dans un ordre non académique, tout en respectant la règle, en les exécutant dans tous les sens. Summertime Blues, Nervous Breakdown et tant d’autres. Cette innovation a marqué d’une pierre blanche la manière de jouer le rock comme un Blanc, s’inspirant sans copier. C’est en cela qu’il est pour moi un grand innovateur. Vince Taylor dont le nom clignotait en néons dans Pigalle, alors que les yéyés en étaient encore au stade de chrysalide vis-à-vis du rock, est un condensé à lui seul de l’élégance de cette musique blanche. Il suffit d’entendre Brand new Cadillac, reprise par les Clash, pour sentir la distance avec la musique noire. À partir de là, une brèche est ouverte pour une nouvelle forme de composition. Plus tard, Iggy Pop et les Stooges élargiront le spectre du blues en inventant des progressions lyriques, affirmant dans un paroxysme électrique un son original et blanc qui fera oublier les compositions du Delta. Les Rolling Stones, dans leur période Chess, se permettaient de reprendre des standards comme Little red rooster avec un son tout à fait original, qui perpétuait l’esprit de Muddy Waters sans toutefois laisser penser qu’ils se contentaient de copier. Le problème est que, chez nos Frenchies, malgré leurs petits Beatles boots achetés dans les endroits branchés de Paris ou à Londres par Internet, et le look de leurs guitares, leur musique reste toujours inqualifiable. Elle aurait tendance à faire penser que le rock and roll d’ici est toujours un caprice de gosses de riches, qui n’ont pas eu à aller à l’usine pour se payer eux-mêmes leur première guitare ou autre instrument. Non pas que tous les bons musiciens soient issus de la classe prolétarienne. La seule attitude que je perçoive la plupart du temps, pour achever le tableau, est d’avoir l’air d’un tox et éventuellement de jeter à terre une malheureuse guitare responsable de leur incapacité, ce qui n’a jamais été le cas de Pete Townsend. Si c’est le seul message qu’ils s’appliquent à faire passer, je ne peux m’empêcher de trouver ça pitoyable, voire blasphématoire. C’est aussi grotesque que de voir les danseurs de Madonna se tenir la main en cercle avant d’entrer en scène, priant sans pudeur le bon Dieu pour peu qu’il y ait une caméra qui tourne dans un coin. Madonna que, pour une raison qui m’échappe, Johnny aime bien, la petite Italienne au caractère bien trempé. Ce qui n’évite pas la vulgarité des sentiments. Vraiment, tant pis si j’insiste, être culte ne consiste pas simplement à s’acheter des Beatles boots, parler avec la bouche de travers et avoir l’air d’un toxico. Merci pour l’exemple ! Le rock ne se fourvoie pas plus avec les médias à la solde du marché qu’avec aucun autre pouvoir. La récupération par les labels a beau jeu de cueillir et contrôler ces jeunes oies égarées. Little they Know !
Posted on: Mon, 04 Nov 2013 23:21:24 +0000

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