Bombardé super-ministre de souveraineté, avec sa nomination au - TopicsExpress



          

Bombardé super-ministre de souveraineté, avec sa nomination au département des Finances, le milliardaire du Souss voit son étoile monter et briller au firmament du succès. D’où vient-il ? Jusqu’où peut-il encore aller ? Mercredi 21 août. Le roi désigne Nizar Baraka président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Pour le ministre istiqlalien démissionnaire, c’est un parachute doré providentiel. Le microcosme politique voit en cette nomination un coup de pouce royal pour un zaïm en herbe. “On savait que Nizar Baraka était un pilier de l’Istiqlal, qu’il deviendrait fort probablement, un jour, patron de cette formation. Mais on ignorait que le Palais pouvait se soucier à ce point de sa carrière”, balance un député du parti. Toutefois, dès le lendemain, Nizar Baraka devient de l’histoire ancienne. Son remplaçant aux Finances lui vole la vedette et les discussions de salon qui vont avec. Aziz Akhannouch, jusque-là à la tête du département de l’Agriculture est, à la surprise générale, chargé d’assurer l’intérim en tant qu’argentier du royaume. “C’est curieux de voir Abdelilah Benkirane privilégier un technocrate à l’un de ses partisans (Idriss Azami Al Idrissi, ministre délégué chargé du Budget, ndlr) en cette période censée être transitoire, remarque notre source. Le choix a été fait par Mohammed VI, le décret signé par le Chef du gouvernement est juste une formalité”. Les raisons et les répercussions de ce nouveau fait du prince donnent lieu à diverses interprétations, mais elles confirment toutes que Aziz Akhannouch est, plus que jamais, le ministre préféré de la monarchie : le roi vient chez lui prendre le ftour pendant ramadan, les princesses sont copines avec sa femme, la classe politique le respecte, ses électeurs et ses collaborateurs le vénèrent… Parcours d’un politicien pas comme les autres. Le fils de… Oulhaj “Il ne faut pas se leurrer, Akhannouch s’est lancé dans la politique par pragmatisme. Il a toujours été très lucide vis-à-vis du système et conscient que pour couvrir son business, il faut étendre son réseau d’influence, témoigne un homme d’affaires casablancais qui a côtoyé Si Aziz, comme tout le monde l’appelle. Mais s’il a sauté le pas pour se mouiller en politique, c’est aussi par fascination pour l’engagement de son père”. Ahmed Oulhaj Akhannouch, le père de l’actuel ministre, a toujours su allier business et politique. Quand sa première échoppe de vente de carburant au litre (lancée à Casablanca en 1932) devient une pompe à fric, il n’hésite pas à mettre sa petite fortune à disposition du mouvement national qui lutte pour l’indépendance du Maroc. Ce soutien, il va le payer cher : les autorités du protectorat le jettent en prison, brûlent ses commerces et ses affaires périclitent. Mais au lendemain de l’indépendance, Oulhaj peut se refaire grâce au renvoi d’ascenseur de ses amis nationalistes : il obtient en 1958 une licence de distribution des hydrocarbures. Afriquia SMDC, le vaisseau amiral de ce qui deviendra Akwa Group, est né. Homme d’affaires qui prospère à nouveau, Oulhaj Akhannouch ne rompt pas les liens avec les politiques. Au-delà de ses affinités avec le Mouvement populaire (MP), il n’hésite pas à soutenir des formations naissantes comme le Parti de l’action (un hizbicule qui encombre toujours la scène), dont il est un des fondateurs en 1974. Mais le businessman soussi veille surtout à rester proche de l’épicentre du pouvoir, la monarchie en l’occurrence. Quand Hassan II annonce la Marche Verte, en 1975, Oulhaj est un des premiers à payer son écot à la cause nationale : il fournit des bonbonnes de gaz au convoi de volontaires regroupés à Agadir avant leur treck symbolique au Sahara. Les années Basri Les accointances entre business et politique, Aziz Akhannouch a donc toujours baigné dedans. Après la disparition de son père à la fin des années 1980, l’héritier se retrouve à la tête d’une entreprise florissante qui attise toutes les convoitises. Grand propriétaire foncier à Aïn Sebaâ, où sévissait un certain Abdelaziz Laâfora en tant que gouverneur (redoutable homme lige de Driss Basri), Si Aziz se retrouve mis en orbite dans la galaxie du tout puissant ministre de l’Intérieur. Le grand vizir de Hassan II l’a à la bonne et projette même d’en faire un capitaine d’industrie avant l’heure, dans un royaume en plein processus de libéralisation économique. Le ministre appuie son projet de rachat de La Samir, mais Akhannouch doit abdiquer devant la surenchère des Saoudiens qui misent trois fois plus que lui pour l’acquisition de la raffinerie. Driss Basri parvient même à caser son poulain dans le think tank hassanien, le fameux G14. “Avec son diplôme de l’université canadienne de Sherbrooke, son CV faisait tache à côté de ceux des lauréats des meilleures écoles d’ingénieurs françaises ou américaines qui constituaient le ‘club’, lance sur un ton ironique un ancien du G14. Mais Si Aziz nous a toujours épatés. Il était bosseur, sérieux et très aimable. On ne pouvait pas lui en vouloir d’être l’homme de Basri dans cette organisation sensible à l’époque”. Pour papa et le douar Quand bien même il n’est pas bardé de diplômes, Aziz Akhannouch est néanmoins doté d’une grande intelligence sociale qui lui permet de négocier l’avènement de la nouvelle ère et la décadence de son ancien mentor (Driss Basri, mort en exil), sans trop de dégâts pour ses affaires. Il met à contribution tous ses relais pour faire oublier son obédience au vizir déchu et renouveler son visa au sérail. La nouvelle ère l’adopte définitivement en 2003 quand les architectes du règne de M6 – notamment Fouad Ali El Himma, ministre délégué de l’Intérieur – font dans le casting de décideurs politiques au profil économique. Nous sommes aux balbutiements de l’époque des techno-walis, ponctués des premiers discours sur “le nouveau concept de l’autorité”, au lendemain de la constitution du gouvernement Driss Jettou, mais aussi des attentats terroristes de Casablanca. Et, surtout, à la veille des premières élections communales sous le règne de Mohammed VI. Aziz Akhannouch comprend que l’heure est venue de se montrer encore plus utile pour le Makhzen new look. C’est le contexte idéal pour jouer son atout majeur : son ancrage régional, cette notoriété héritée du patriarche qu’il a toujours entretenue en restant attaché à Tafraout, le patelin qui l’a vu naître en 1961. “Il a l’ADN d’un chleuh. Son attachement à sa terre natale est sincère. Il a donc vu dans les élections communales une double opportunité : il pouvait servir véritablement sa région tout en réconfortant sa position auprès du pouvoir central”, analyse un compagnon de longue date de Si Aziz. Son profil de politicien désintéressé va propulser le représentant communal (élu sans étiquette politique) comme président de la région Souss-Massa Drâa, le deuxième territoire le plus prospère du royaume. C’est le couronnement du nouveau roi du Souss, qui ne manque pas d’avoir une pensée pour le patriarche au moment de son intronisation. “Lui qui est de nature discrète et réservée, il nous a surpris au lendemain de son élection quand il nous a lâché : ‘Lhaj (son père, ndlr) aurait été fier de me voir au service de notre terre’”, ajoute notre source. Entre le Souss et la capitale Agharass, agharass, comme tout Soussi digne et fier, Si Aziz prend son nouveau job d’élu très au sérieux. Il imprègne à son administration régionale un mode de gestion digne des entreprises du troisième millénaire. Son approche rationnelle ainsi que sa neutralité politique font de lui un leader capable de fédérer les politiques de tous bords. “Durant ses deux mandats de président de la région, il a été efficace et exemplaire”, assure Tarik Kabbaj, maire usfpéiste d’Agadir, une des rares sources contactées par TelQuel qui n’a pas émis de réserves à témoigner on the record pour ce dossier. “Il a lancé diverses études pointues pour déterminer les atouts de la région et a tout mis en œuvre pour la mettre en valeur. Nous avons toujours été sur la même longueur d’ondes. Aujourd’hui encore, je suis certain que l’on peut toujours compter sur son appui si on a besoin de lui”, ajoute le maire gadiri. Pour vendre sa région, Akhannouch n’hésite pas à mouiller le maillot. Pour exemple, en 2006, il coiffe sur le poteau le conseiller royal André Azoulay qui négociait pour sa ville, Essaouira, la tenue de la première édition du concert de la tolérance organisé par TF1. Lors de la fête du trône, Akhannouch explique à Mohammed VI qu’il aimerait que l’évènement se déroule à Agadir, chez lui. Il obtient gain de cause. C’est que le big boss du Souss est désormais un homme du sérail qui côtoie les nouveaux piliers du régime. Avec Fouad Ali El Himma, il joue la main secourable dans sa diplomatie avec l’extrême gauche. “Un jour, il a pris son téléphone pour appeler Mohamed Hafid et le convier avec Mohamed Sassi à un dîner dans sa villa à Bouznika. C’était à la demande d’El Himma, qui voulait les rencontrer”, nous raconte un membre du Parti socialiste unifié (PSU). De l’autre côté, avec Mounir Majidi, les relations sont également au beau fixe. Si Aziz a déjà été d’un précieux soutien pour le gestionnaire des affaires royales quand il enclenche la fronde des businessmen contre l’organisation patronale dirigée par Hassan Chami. Dans cette bataille, Akhannouch a pu montrer l’étendue de sa notoriété auprès de la CGEM, mais aussi l’influence médiatique de La Vie Eco, hebdomadaire économique phare du groupe de presse Caractères qu’il avait racheté dans les années 1990. Les affaires vont bien, merci Les occupations politiques de Si Aziz ne l’éloignent pas pour autant du business. Bien au contraire. Dans la conduite des affaires familiales, il met le turbo. Désormais, Akwa Group joue dans la cour des grands et est même adoubé “champion national” quand Attijariwafa lui ouvre la vanne de financement pour racheter un de ses concurrents. “Afriquia était encore plus endettée que Somepi qui présentait, en plus, un meilleur projet industriel, rappelle un ancien banquier d’affaires. Mais c’est le groupe Akhannouch qui a été soutenu financièrement par la banque royale”. Dans la foulée du rachat de Somepi, Si Aziz se paie aussi la compagnie Tissir. Résultat : Akwa contrôle un réseau de 400 stations-service, 24% du marché des hydrocarbures et 34 % du marché gazier. C’est enfin un géant, d’une taille suffisamment respectable pour arriver à se faufiler dans le tour de table de joint-ventures internationales. D’abord avec le groupe Maersk, soumissionnaire gagnant de l’exploitation du premier quai à conteneurs du port Tanger-Med, et plus tard avec des investisseurs du Golfe pour l’adjudication du quai pétrolier, une très rentable station-service pour cargos aux portes du détroit. Si Aziz devient le magnat des hydrocarbures : son groupe est de tous les grands projets du secteur, notamment la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié où il compte comme partenaire le groupe royal, SNI. Rien que ça ! La parenthèse RNI Aziz Akhannouch va néanmoins devoir se faire discret dans le business lorsque sa carrière politique prend une nouvelle tournure. En 2007, son nom est sur la liste des ministrables : le roi lui confie le portefeuille de l’Agriculture au moment où il installe le gouvernement El Fassi. “Il n’a pas vraiment choisi de devenir ministre. Il aurait préféré rester un électron libre. Sauf que décliner l’offre de devenir ministre de Sa Majesté est inimaginable pour ce monarchiste convaincu”, commente un ancien collaborateur de Si Aziz. A l’instar d’autres technocrates intégrés dans le cabinet El Fassi, Akhannouch prend sa carte du Rassemblement national des indépendants (RNI) avant de rejoindre son nouveau bureau dans le quartier administratif de la capitale. Et comme il prend tout au sérieux, il s’engage pleinement dans les activités partisanes. Il permet à sa famille politique d’étendre sa présence dans le Souss à l’occasion des communales de 2009 en prenant la tête de plusieurs conseils provinciaux. Quand il cède son siège de président de la région, il s’assure de passer le flambeau à un autre Rniste. Il contribue aussi au succès du putsch orchestré par Salaheddine Mezouar pour prendre les rênes du parti de la colombe et défend même les couleurs des bleus lors des législatives 2011. Bref, le militant partisan modèle. “Le seul parti politique auquel il croit vraiment est le parti du roi. S’il y avait un parti monarchiste, il en serait peut-être le secrétaire général”, lance l’un de ses ex-collaborateurs. D’ailleurs, lorsque le RNI fait le choix de se ranger dans l’opposition, il lâche aussi bien sa formation et sa circonscription (où il vient d’être élu député) pour rejoindre le gouvernement de Abdelilah Benkirane. Au sein du nouvel Exécutif, Akhannouch rempile dans le même département, avec une casquette de technocrate, un privilège réservé au club restreint des ministres de souveraineté dont il fait désormais partie. Un ministre bénévole Le PJD, qui dirige le gouvernement, ne prend pas mal ce parachutage royal. Bien au contraire, ses dirigeants novices accueillent plutôt bien l’arrivée de Akhannouch en renfort. “En plus, Si Aziz n’a jamais versé dans l’anti-pjdisme primaire auquel s’adonnaient certains de ses partisans”, assure ce dirigeant islamiste. “Si Aziz jure par tous les dieux que c’est le PJD qu’il l’a sollicité. Lui n’a fait qu’accepter une offre après avoir demandé l’autorisation royale”, raconte une source proche d’Akhannouch. Difficile à croire quand d’autres de ses proches confient que l’homme avait prévu de se retirer de la politique à la fin de son mandat de député. Quoi qu’il en soit, son bilan de ministre sortant a dû aussi jouer en sa faveur. En plus d’aligner des performances record pour son secteur (aidé en cela par des années de bonne pluviométrie), il s’avère être un manager hors pair, capable de naviguer dans les eaux troubles de l’administration. “Il a su habilement gérer la transition, estime un de ses anciens collaborateurs. Il est arrivé à travailler avec les anciens fonctionnaires du ministère sans les brusquer tout en greffant du sang neuf dans son cabinet. Résultat, aujourd’hui tout le département adule Si Aziz”. Surtout que le milliardaire se montre grand seigneur avec ses collaborateurs. Il n’hésite pas à dégainer son chéquier personnel pour accorder un bonus à un cabinard, pour refaire la décoration des bureaux, ou encore pour rendre plus confortables les conditions de déplacements professionnels. Akhannouch dépense son propre argent pour le fonctionnement de son ministère, en plus d’avoir renoncé à son salaire dès sa nomination. Il n’hésite pas non plus à mettre gracieusement à la disposition du département son jet privé. “Avec lui, on peut se réveiller à Casablanca, tenir une première réunion à Oujda, faire un crochet par Agadir pour un événement avant de rentrer à Rabat, au ministère, puis travailler jusqu’au petit matin”, décrit notre source. Cette mobilité, que ses collègues du gouvernement ne peuvent se payer, confère à Akhannouch la réputation d’un ministre dynamique, qui se bouge. Il fait d’ailleurs l’unanimité parmi les opérateurs du secteur qui se réjouissent de sa capacité à prendre des initiatives. Car si Akhannouch donne l’impression de courir dans tous les sens, il sait très bien où il veut aller. Dès sa première année au ministère, en 2008, il lance le Plan Maroc Vert et le présente devant le roi dans le cadre des premières Assises de l’agriculture. “Il a le mérite d’être le premier ministre de l’Agriculture à avoir élaboré une vision stratégique pour ce secteur. Après, on peut-être d’accord ou pas avec le détail du Plan Maroc vert”, souligne cet expert. Et son plan sectoriel, bien qu’il affiche des faiblesses et des signes d’essoufflement (voir encadré), bénéficie de l’appui inconditionnel de Mohammed VI. Le roi ne rate aucune des grandes manifestations orchestrées par Si Aziz. C’est un abonné fidèle au Salon international de l’agriculture, l’occasion de faire le point sur les réalisations du Plan Maroc Vert. Une vision sectorielle qui est citée en exemple de réussite lors du dernier discours de la Fête du trône. L’étoile d’Akhannouch brille aux éclats… A table avec le roi Quelques jours avant d’entendre Mohammed VI encenser son bilan dans un discours à la nation, Si Aziz a droit à un égard dont seuls de rares privilégiés de la cour peuvent se targuer : il a l’honneur de recevoir son souverain à sa table, chez lui, dans sa maison. Pour autant, Mohammed VI et Lalla Salma ne rompent pas le jeûne avec le couple Akhannouch dans l’intimité. C’est un peu plus protocolaire. A en croire ce proche de la famille, au moins une trentaine d’invités sont réunis ce jour-là, y compris le roi et son épouse. “Ce n’est pas la première fois que Mohammed VI s’invite chez un de ses sujets bénis. C’est juste que cette fois-ci, la visite a été ébruitée par les habitants du bidonville adjacent à la résidence du ministre, qui ont remarqué la présence de la sécurité royale et qui ont tenu à saluer le souverain”, nous explique notre source. Et de nuancer : “Cela dit, le choix de l’heureux élu et le timing ne sont jamais anodins”. Dans la même semaine, Si Aziz et son épouse vont présenter leurs condoléances à Lalla Salma pour la perte de son oncle. “Ils étaient à la table de Son Altesse. Et ils étaient là pour elle, ils ne connaissaient presque pas le défunt, le professeur Mohamed Bensouda”, relate un des présents. Aziz Akhannouch apparaît plus que jamais comme un proche de la famille royale. Conflits d’intérêts à la pelle Mohammed VI fait même de lui son ministre favori, son ministre à tout faire. Sa récente nomination aux Finances, qui est passée comme une lettre à la poste du côté de Abdelilah Benkirane, vient confirmer la confiance que Mohammed VI place en Akhannouch. Il n’est plus à la tête d’un département de souveraineté, il est devenu lui-même super-ministre de souveraineté. Pour cet analyste politique, le choix royal est à la fois stratégique et révélateur : “Le roi ne voulait pas voir le ministère des Finances continuer à faire l’objet de surenchères et de négociations entre le PJD et le RNI sur fond de recomposition du gouvernement. Pour verrouiller ce département sensible, il fallait donc placer un homme de confiance qui en plus fait l’unanimité au sein des deux partis concernés. Et le Makhzen n’a pas beaucoup de profils. Akhannouch s’imposait presque par défaut”. Cela laisse supposer que l’intérim de Akhannouch aux Finances risque de devenir permanent à l’issue des tractations gouvernementales. Des rumeurs ont d’ailleurs circulé, selon lesquelles Akhannouch aurait même repris sa carte du RNI pour représenter la formation dans ce département. Si Aziz, de son côté, ne souhaite pas donner sa propre lecture des événements : il n’a pas jugé utile de répondre aux multiples sollicitations de TelQuel pour les besoins de ce dossier. “Il est sur les rotules et il sait que sa rentrée sera tonitruante. Si ça ne tenait à lui, il aurait préféré prendre des vacances de la politique”, nous confie un de ses proches. Akhannouch est conscient que de gros challenges l’attendent, que ce cadeau royal est synonyme de grandes responsabilités, presque un cadeau empoisonné. Au menu, dès la reprise, il aura sur la table la préparation de la Loi de Finances avec ses interminables heures de présentation et de négociations. En plus, l’homme est vulnérable à ce poste, lui qui est toujours actionnaire d’un groupe brassant 25 milliards de dirhams de chiffre d’affaires et dont les activités vont de l’énergie au tourisme, en passant par la distribution et l’immobilier. “Les conflits d’intérêts sont partout. On ne peut pas être patron du fisc, de la douane, de la Caisse de compensation et autres directions sensibles alors qu’on a des intérêts dans un des plus grands conglomérats du royaume. La moindre de ses décisions sera forcément épiée et interprétée comme une manière de privilégier ses intérêts privés”, prévient un homme d’affaires. Mais dans le plus beau pays du monde, où le chef de l’Etat est le premier opérateur économique, les conflits d’intérêts d’un ministre businesseman restent dans le domaine du gérable. Akhannouch n’a cure de son image publique. Lui, ce qui le préoccupe, c’est de rester dans les petits papiers du pouvoir. Cela fait déjà longtemps qu’il a lié son sort au sérail. Et cela fait déjà des lustres qu’il a franchi le point de non-retour. Dans les impénétrables voies du Makhzen, il continuera à tracer son chemin… Salwa Akhannouch. La reine de la franchise C’est la plus visible des femmes de ministres ou de businessmen. Salwa Akhannouch ne vit pas dans l’ombre de son époux. Entrepreneuse, elle a pu se faire une place dans le milieu des affaires, au point d’avoir les honneurs du Financial Times qui l’intègre dans son who’s who des businesswomen arabes les plus en vue. Il faut dire que le commerce, Salwa Akhannouch née Idrissi, l’a dans les gènes. Son grand-père maternel est une des plus grandes fortunes berbères (Hmad Belfqih) à l’origine de la célèbre marque de thé Sultan avec la famille Erraji. Dans les années 1990, Salwa répète ses premières gammes de businesswoman dans une petite entreprise qui fait dans la distribution de matériaux de revêtement et de parquet, avant de créer en 2004 (avec Si Aziz) le groupe Aksal. La société signe à tour de bras des franchises de prêt-à-porter: Zara, Massimo Dutti, Senza… et multiplie l’ouverture de magasins. Depuis, celle que l’on surnomme la reine de la franchise voit grand, parfois même très grand, comme l’illustre son projet du Morocco Mall, qui figure dans le top five mondial des centres commerciaux. “Le projet est surdimensionné pour un pays comme le Maroc et les prévisions de générer un chiffre daffaires de 5 milliards de dirhams sont surestimées. Le retour de manivelle commence d’ailleurs à se faire sentir et plusieurs enseignes en souffrent, y compris celles du groupe Aksal”, nous explique une source proche du groupe. Et d’ajouter : “Ce n’était pas un projet étudié économiquement, mais plutôt un projet rêvé”. Et, visiblement, quand on s’appelle Salwa Akhannouch, on a les moyens de rêver éveillé. Pour l’inauguration de son centre commercial, c’est la princesse Lalla Meryem qui vient couper le cordon. Et pour la soirée d’ouverture, c’est la bomba latina, Jennifer Lopez, qui est au micro pour “éclater” les invités du couple Akhannouch. Stratégie. Maroc vert et pas mûr Aussitôt nommé ministre de l’Agriculture en 2007, Aziz Akhannouch confie au cabinet international Mc Kinsey la mission d’élaborer une stratégie pour ce secteur. Cela aboutit à la conception du Plan Maroc Vert qui est présenté au roi en avril 2008 dans le cadre des premières Assises de l’agriculture. Le plan se veut comme un programme ambitieux censé moderniser et dynamiser ce pan d’activité vital pour le royaume. Il vise à porter le PIB agricole à 100 milliards de dirhams, contre quelque 75 milliards avant son lancement. Un objectif qui a déjà pu être atteint en 2012 et dont se félicite le département de l’Agriculture. Néanmoins, les observateurs avisés ne se laissent pas duper par une telle performance. “Le rythme de croissance visé reste malgré tout modeste. Il n’a rien d’exceptionnel par rapport aux performances historiques et ne justifie pas tous les moyens engagés, analyse l’économiste Zouhair Aït Benhammou dans son blog. Surtout que 80% des 100 milliards de dirhams de l’enveloppe publique mobilisée par ce plan est destiné à une minorité influente des agriculteurs”. Cette disproportion de moyens est également relevée par de nombreux grands agriculteurs. Sous couvert d’anonymat, ils n’hésitent pas à qualifier le Plan Maroc Vert “d’énorme gabegie financière”. Un autre point vient également nuancer les performances affichées par ce plan agricole : l’objectif de créer 1,5 million d’emplois est mal parti pour être réalisé. Entre 2008 et 2012, les projets d’agrégation n’ont que très modestement avancé. Pis encore, les statistiques du Haut commissariat au plan laissent apparaître une destruction de près de 100 000 emplois dans le secteur. Cette statistique, le ministre des Finances ne l’aborde pas quand il présente le bilan de sa vision sectorielle devant le roi en avril dernier. Il a évidemment préféré mettre en avant les chiffres sur l’amélioration du revenu agricole, l’extension des surfaces cultivées, la pénétration de la mécanisation… Des stat’ à son avantage qui lui ont valu le plus haut message de félicitations auquel pourrait prétendre un responsable gouvernemental : dans son discours de la Fête du trône, Mohammed VI a évoqué le Plan Maroc Vert comme un exemple de réussite. Pourtant, le ministère de l’Agriculture admet lui-même, indirectement, que cette stratégie sectorielle n’est pas sur la bonne voie. Récemment, le département a lancé un appel d’offres pour la réalisation d’une étude pour la relance du secteur agricole… Si Maroc Vert marche si bien au point que le souverain s’en félicite, pourquoi lui faut-il alors un coup de relance ? Réseau Akhannouch connexion Businessman milliardaire, patron de presse, ministre, ce fils d’une grande famille amazighe est sorti de sa chrysalide de notable du Souss pour devenir un papillon qui gravite autour du sérail. Ses entrées au Palais Il n’est pas un ami intime de Mohammed VI contrairement au mythe entretenu. Il est juste un de ses fidèles et obéissants serviteurs qui, de temps à autre, en signe d’intérêt, ont droit à un traitement d’égard. Un petit geste familier comme une invitation aux fêtes d’anniversaire du souverain. Ou recevoir dans sa luxueuse villa de Californie la visite du roi, venu partager le ftour du ramadan avec la famille Akhannouch. En plus d’entretenir des rapports privilégiés avec Mohammed VI, Akhannouch semble s’entendre à merveille avec les piliers du sérail que sont Fouad Ali El Himma et Mounir Majidi. Ce dernier soutient les projets initiés par les conglomérats du ministre qui ont accès au financement presque à l’œil. Le groupe Akwa compte d’ailleurs parmi les rares structures marocaines à pouvoir se vanter du statut de partenaire du holding royal SNI. Quant à El Himma, qui avait critiqué ouvertement le Plan Maroc Vert initié par Akhannouch, tout semble indiquer qu’il ne s’agissait que d’envolées lyriques à but électoraliste. C’était à la veille des communales 2009, dans un meeting à Benahmed, où l’actuel conseiller de Mohammed VI défendait les chances du PAM qu’il venait de créer. Ses relais médiatiques Il est le pionnier parmi les businessmen qui ont investi la presse. Au milieu des années 1990, il devient l’actionnaire principal du groupe Caractères, éditeur de La Vie Eco, de Femmes du Maroc, Nissae Min Al Maghrib et Maisons du Maroc et dirigé par Khalid Bazid. Un joli bouquet médiatique où Si Aziz, avec sa réserve légendaire, communique peu à titre personnel. Mais il sait mettre à profit son groupe de presse pour les “grandes causes”. Ce sont ses magazines féminins qui ont par exemple eu le privilège d’obtenir une séance photo de la famille royale à loccasion de la naissance de Lalla Khadija. Et c’est d’ailleurs pour assister au montage de l’article royal que Akhannouch a mis pour la première fois les pieds dans la rédaction de son journal. “Il s’est même fait arrêter à la porte par le vigile qui ne l’a pas reconnu”, se rappelle un ancien de Femmes du Maroc. Akhannouch surveille en revanche d’un œil plus affûté le contenu de La Vie Eco, vu l’influence de cette publication dans le monde des affaires. Quand il s’agit de dossiers chauds, l’hebdomadaire préfère regarder ailleurs, ce qui n’empêche pas des “dérapages”. L’été 2012, l’hebdo crée l’événement avec une interview du Chef du gouvernement, où Abdelilah Benkirane confie ses relations ombrageuses avec l’entourage royal. L’entretien suscite un mini-séisme politique : le patron du PJD doit présenter des excuses et le directeur de La Vie Eco présenter sa démission. Ses hommes dans le business En devenant ministre en 2007, Aziz Akhannouch démissionne des conseils d’administration de toutes les sociétés d’Akwa group. Il laisse ainsi la place à Ali Wakrim, l’hériter de la famille Wakrim (les associés de toujours des Akhannouch), qui prend les rênes du conglomérat. Mais Si Aziz - qui ne se rend pratiquement plus jamais au siège du groupe à Aïn Sebaâ - suit malgré tout l’évolution des affaires familiales. C’est que ses fidèles lieutenants qu’il a ramenés dans ses bagages du Canada sont toujours là. Parmi lesquels on peut citer Rachid Idrissi Kaïtouni mais aussi Tawfik Hamoumi. Dans les rangs de hauts cadres du groupe sur lesquels s’appuie ce conglomérat (présent dans cinq métiers et qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 25 milliards de dirhams), on peut citer également Bouzaid Ouaissi, Adil Ziady ainsi que Youssef Iraqi Housseini. Des managers que Akhannouch avait recrutés lui-même du temps où il dirigeait l’entreprise. Son ancrage régional Président de la région Souss-Massa-Draâ entre 2003 et 2009, il va caster lui-même son successeur Brahim Hafidi. Il va le convaincre de rejoindre le RNI et lui livre clé en main son ticket gagnant aux communales 2009 en le plaçant tête de liste des bleus dans la commune Oued Essafaa à Chtouka-Aït Baha. Il n’est pas le seul à devoir son mandat d’élu à Si Aziz. L’artiste devenue députée, Raïssa Fatima Tabaâmrant, doit aussi sa cooptation au sein du RNI, qui la fait figurer en bonne place sur la liste nationale des législatives 2011, à l’influence de Akhannouch. Dans le Souss, Si Aziz n’a pas uniquement que des relais politiques. Il est un de ces fils prodiges du bled qui donnent beaucoup à leur région. Il est à l’origine de Timitar, le festival musical estival d’Agadir, conçu et dirigé artistiquement par Brahim Mazned. “Si Aziz est toujours impliqué dans ce festival comme au premier jour, assure Mazned. Nous avons juste changé le mode de fonctionnement pour nous caler à son agenda ministériel”. Le ministre ne rate d’ailleurs pas la moindre édition de son festival. L’occasion pour lui de recevoir à domicile, mais aussi de garder le contact avec les décideurs locaux. La légende raconte que c’est bien Si Aziz qui aurait plaidé pour le repêchage de Mohamed Boussaid en tant que wali d’Agadir, après avoir été écarté du ministère du Tourisme. Pour le choix du successeur de Boussaid (nommé entre-temps à Casablanca), gageons que Si Aziz a eu son mot à dire. D’ailleurs, c’est le ministre qui préside la cérémonie d’installation du nouveau wali Yazid Zellou, en mai 2012. Tout un symbole ! Ses alliances familiales Ses origines maternelles slaouies et paternelles, soussies, ont toujours été une source de fierté pour Akhannouch. C’est sa manière de démontrer l’ouverture d’esprit de sa famille. Ahmed Oulhaj, son père, était en avance sur son temps. “Epouser une Slaouie était un acte révolutionnaire à une époque où les mariages en dehors du cercle tribal étaient inenvisageables”, explique ce proche de la famille. Aziz, le fils, se montre néanmoins plus conformiste que le père. Lui, il passe la bague au doigt de Salwa Idrissi, descendante d’une grande famille soussie du côté maternel. Le neveu du ministre, Mohamed Akhannouch a, de son côté, épousé la fille de Moulay Taïeb Cherkaoui, le président de la Cour suprême. Les Akhannouch deviennent au fil des alliances une de ces familles “cosmopolitiques”, dignes de figurer dans l’ouvrage de référence de Ali Benhaddou, Les Elites du royaume. Son team ministériel “Il est vrai qu’au lendemain de sa nomination, Si Aziz a embarqué avec lui des cadres du groupe. Mais ces derniers temps, c’est le groupe qui débauche du cabinet ministériel les compétences qui ont fini leur mission au département”. Le témoignage émane d’un des patrons d’Akwa Group. Dans son ministère comme dans l’entreprise, Akhannouch a besoin de s’entourer de cadres performants. Et pour attirer les meilleurs, il n’hésite pas à dégainer son chéquier personnel. Quand on bosse dans son cabinet, il n’y a pas besoin de patienter des mois avant de percevoir son premier salaire de contractuel de l’Etat : Si Aziz avance de sa poche en attendant la régularisation de la situation. Et quand on se déplace à l’étranger avec Akhannouch, on est certain de ne pas coucher dans un deux étoiles miteux et de dîner dans un kebab. La petite dotation supplémentaire accordée du compte personnel du ministre permet des conditions de voyage plus confortables. Bref, les cabinards de Akhannouch sont choyés par rapport à leurs collègues des autres départements. Cela lui permet d’attirer des profils pointus. Cela dit, si le ministre s’occupe du casting de son cabinet, il n’a pas trop bousculé l’organigramme de son département. “Il a eu la chance qu’une bonne partie des hauts cadres partent à la retraite. Il a pu donc mener en douce la relève au sein des directions sensibles et en misant beaucoup sur les compétences dont regorge le ministère”, explique un proche collaborateur. Dernier exemple en date : après le départ en retraite de l’ancien secrétaire général du ministère, c’est un produit maison qui a été promu à ce poste. Le nouveau secrétaire général est Mohamed Sadiki, qui occupait jusque-là le poste de directeur général de l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II.
Posted on: Mon, 28 Oct 2013 23:24:05 +0000

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