Dans le train qui me conduit à Montpellier un vieil homme est assis juste en face de moi à la place 51. Cet homme est si beau et si vieux quil me tire les larmes. Sil savait il me trouverait ridicule. A 33 ans on est jeune pour un vieux monsieur. Du coin de lœil, sans mouvement de la tête, je lobserve et je mimagine dans quarante ou cinquante ans. Est-ce que je mappliquerai autant que lui avec la pointe de mon crayon à remplir les cases de mots fléchés ? Est-ce que je mendormirai si facilement la bouche ouverte bercé par le train jusquà la prochaine gare ? Ces yeux observent les paysages qui défilent plus vite que les secondes, peut-être les a-til vus cent ou mille fois avant moi. Tant de sagesse et de douceur se dégagent de sa peau abîmée, tannée, séchée par les années. Le vieil homme a la main gauche qui tremble et ne paraît plus sen soucier, il a lair serein en déballant sa banane de son sac plastique transparent. Tout ça calmement, posément comme ces gens qui ont le temps. Qui ya til à lintérieur de ses souvenirs, de quels couleurs sont-ils ? Jaimerais lui poser des questions mais je noserai pas. Jaimerais savoir qui il est, jaimerais savoir si les années lui pèsent ou si au contraire vieillir le rassure. Son alliance mindique quil est marié : où est sa femme, se serait-elle déjà envolée ? Gare de Valence, deux minutes darrêt. Un homme vient prendre place au siège 52, seule lallée nous sépare. Mon vieillard le salue, courtois. Il mange sa banane comme un beau vieux singe à la chevelure blanche une main sur lautre, le regard plongé vers lextérieur. Mais à quoi pense-til ? A qui ? Jai peur de vieillir, mais un peu moins à chaque fois que quelquun que jaime senvole au-dessus des nuages. Je tiens souvent la main de mon fils, je la serre, en espérant que nous vivrons heureux longtemps. La vie est aussi courte que ce Paris / Montpellier qui dure trois heures : on court, on court, on court en passant chaque minute à côté de lessentiel. Tout défile aussi vite que ces montagnes, ces vallées, ces maisons que nous croisons dans ce TGV lancé à pleine vitesse.Enfin je crois... Demain, cest ça qui est extraordinaire, je ny penserai plus. Mais ça reviendra. Le vieil homme sest levé secouant son pull couleur moutarde bouloché. Il est revenu sasseoir. Il sest endormi. Pour ne plus penser, sagement, je lai suivi. Profitons de chaque instant et respectons-nous les uns les autres... La vie ce nest rien quun voyage en train. Au revoir, joli Monsieur. Ou adieu.
Posted on: Tue, 22 Oct 2013 11:11:59 +0000