Dom Juan (Molière, 1665); Acte IV, scène 6: RAGOTIN. - TopicsExpress



          

Dom Juan (Molière, 1665); Acte IV, scène 6: RAGOTIN. Monsieur, voicy une Dame voilée qui vient vous parler. D. JUAN. Que pourroit-ce estre ? SGANARELLE. Il faut voir. D. ELVIRE. Ne soyez point surpris, D. Juan, de me voir à cette heure et dans cét équipage. Cest un motif pressant qui moblige à cette visite, et ce que jay à vous dire ne veut point du tout de retardement. Je ne viens point icy pleine de ce couroux que jay tantost fait éclater, et vous me voyez bien changée de ce que jestois ce matin. Ce nest plus cette D. Elvire qui faisoit des voeux contre vous, et dont lame irritée ne jettoit que menaces, et ne respiroit que vangeance. Le Ciel a banny de mon ame toutes ces indignes ardeurs que je sentois pour vous, tous ces transports tumultueux dun attachement criminel, tous ces honteux emportemens dun amour terrestre et grossier, et il na laissé dans mon coeur pour vous quune flâme épurée de tout le commerce des sens, une tendresse toute sainte, un amour détaché de tout, qui nagit point pour soy, et ne se met en peine que de vostre interest. D. JUAN à Sganarelle. Tu pleures, je pense. SGANARELLE. Pardonnez-moy. D. ELVIRE. Cest ce parfait et pur amour qui me conduit icy pour vostre bien, pour vous faire part dun avis du Ciel, et tâcher de vous retirer du precipice où vous courez. Oüy, D. Juan, je sçay tous les déreglemens de vostre vie, et ce mesme Ciel qui ma touché le coeur, et fait jetter les yeux sur les égaremens de ma conduite, ma inspiré de vous venir trouver, et de vous dire de sa part que vos offences ont épuisé sa misericorde, que sa colere redoutable est preste de tomber sur vous, quil est en vous de léviter par un prompt repentir, et que peut-estre vous navez pas encore un jour à vous pouvoir soustraire au plus grand de tous les malheurs. Pour moy, je ne tiens plus à vous par aucun attachement du monde. Je suis revenuë, graces au Ciel, de toutes mes foles pensées, ma retraite est resoluë, et je ne demande quassez de vie pour pouvoir expier la faute que jay faite, et meriter par une austere penitence le pardon de laveuglement où mont plongée les transports dune passion condamnable ; mais dans cette retraite, jaurois une douleur extrême quune personne que jay cherie tendrement, devînt un exemple funeste de la Justice du Ciel, et ce me sera une joye incroyable, si je puis vous porter à détourner de dessus vostre teste lépouvantable coup qui vous menace. De grace, D. Juan, accordez-moy pour derniere faveur cette douce consolation, ne me refusez point vostre salut, que je vous demande avec larmes, et si vous nestes point touché de vostre interest, soyez-le au moins de mes prieres, et mépargnez le cruel déplaisir de vous voir condamner à des supplices éternels. SGANARELLE. Pauvre femme ! D. ELVIRE. Je vous ay aimé avec une tendresse extréme, rien au monde ne ma esté si cher que vous, jay oublié mon devoir pour vous, jay fait toutes choses pour vous, et toute la recompense que je vous en demande, cest de corriger vostre vie, et de prevenir vostre perte. Sauvez-vous, je vous prie, ou pour lamour de vous, ou pour lamour de moy. Encore une fois, D. Juan, je vous le demande avec larmes, et si ce nest assez des larmes dune personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qui est le plus capable de vous toucher. SGANARELLE. Coeur de tigre ! D. ELVIRE. Je men vais aprés ce discours, et voila tout ce que javois à vous dire. D. JUAN. Madame, il est tard, demeurez icy, on vous y logera le mieux quon pourra. D. ELVIRE. Non, D. Juan, ne me retenez pas davantage. D. JUAN. Madame, vous me ferez plaisir de demeurer, je vous assure. D. ELVIRE. Non, vous dis-je, ne perdons point de temps en discours superflus, laissez-moy viste aller, ne faites aucune instance pour me conduire, et songez seulement à profiter de mon avis. youtube/watch?v=6FrGn9OlwJM
Posted on: Mon, 25 Nov 2013 21:38:48 +0000

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