[...] En vérité, les pauvres idées auxquelles l’européisme - TopicsExpress



          

[...] En vérité, les pauvres idées auxquelles l’européisme raccroche ses derniers espoirs ne sont plus que des mots creux : euro-obligations (ou eurobonds) (lire ci-dessous), « gouvernement économique » ou, encore mieux, « saut démocratique » — façon François Hollande-Angela Merkel, on voit d’ici l’hymne à la joie —, solutions de carton pour une pensée Potemkine qui, n’ayant jamais rien voulu interroger, risque de ne jamais rien comprendre. Peut-être, d’ailleurs, s’agit-il moins de comprendre que d’admettre. Admettre enfin la singularité de la construction européenne comme gigantesque opération de soustraction politique. Mais que s’agissait-il de soustraire, au juste ? Ni plus ni moins que la souveraineté populaire. La gauche de droite, comme par hasard européiste forcenée, se reconnaît entre autres à ceci qu’elle a les oreilles qui saignent quand elle entend le mot de souveraineté, immédiatement disqualifié en « isme » : souverainisme. La chose étrange est qu’il ne vient pas un instant à l’esprit de cette « gauche »-là que « souveraineté », d’abord comprise comme souveraineté du peuple, n’est que l’autre nom de la démocratie même. Serait-ce que, disant « démocratie », ces gens-là auraient tout autre chose en tête ? Par une sorte d’aveu involontaire, en tout cas, le refus de la souveraineté est bel et bien le déni de la démocratie en Europe. « Repli national » est alors le mot-épouvantail destiné à faire oublier cette légère absence. On fait grand bruit d’un Front national à 25 %, mais sans jamais vouloir se demander si ce niveau — en effet alarmant ! — n’aurait pas quelque chose à voir, et même d’assez près, avec la destruction de la souveraineté, non comme exaltation mystique de la nation, mais comme capacité des peuples à maîtriser leur destin. Que reste-t-il en effet de cette capacité dans une construction qui a fait le choix délibéré de neutraliser par voie constitutionnelle les politiques économiques — budgétaires et monétaire — en les soumettant à des règles de conduite automatique inscrites dans des traités ? Les défenseurs du « oui » au traité constitutionnel européen (TCE) de 2005 avaient feint de ne pas voir que l’argument central du « non » résidait dans la partie III, certes acquise depuis Maastricht (1992), Amsterdam (1997) et Nice (2001), mais répétant au travers de toutes ces confirmations le scandale intrinsèque de la soustraction des politiques publiques au critère central de la démocratie : l’exigence de remise en jeu et de réversibilité permanentes. Car il n’y a plus rien à remettre en jeu, ni même à discuter, lorsqu’on a fait le choix de tout écrire une fois pour toutes dans des traités inamovibles. Politique monétaire, maniement de l’instrument budgétaire, niveau d’endettement public, formes du financement des déficits : tous ces leviers fondamentaux ont été figés dans le marbre. Comment pourrait-on discuter du niveau d’inflation désiré quand celui-ci a été remis à une banque centrale indépendante et coupée de tout ? Comment pourrait-on délibérer d’une politique budgétaire quand son solde structurel est prédéterminé (« règle d’or ») et son solde courant plafonné ? Comment décider d’une répudiation de dette lorsque les Etats ne peuvent plus se financer que sur les marchés de capitaux ? Faute d’apporter la moindre réponse à ces questions, ou plutôt par l’approbation implicite qu’elles donnent à cet état de choses constitutionnel, les indigentes trouvailles du concours Lépine européiste sont vouées à systématiquement passer à côté du problème central. On se demande ainsi quel sens pourrait avoir l’idée de « gouvernement économique » de la zone euro, cette baudruche agitée depuis vingt ans par le PS, quand, précisément, il n’y a plus rien à gouverner, toute la matière gouvernable ayant été dérobée à une délibération gouvernante pour être enfermée dans les traités.[...]
Posted on: Thu, 03 Oct 2013 21:35:39 +0000

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