L’arrivée en France, en 1635, de Zaga Christ, ne donne lieu à - TopicsExpress



          

L’arrivée en France, en 1635, de Zaga Christ, ne donne lieu à aucun commentaire particulier sur sa couleur de peau. Ce qu’on retient, c’est qu’il vient d’Éthiopie et que c’est un prince. En 1626, Richelieu, premier ministre de Louis XIII, crée la Compagnie normande qui associe des marchands de Dieppe et de Rouen. Elle est chargée de coloniser le Sénégal et la Gambie. Pour faire comme tout le monde : les Hollandais y sont. Pourquoi pas nous ? Richelieu soutient également la création par le flibustier Pierre d’Esnambuc, qui lui a fait miroiter tout le profit que le royaume pourrait en tirer, de la Compagnie des Seigneurs de Saint-Christophe (Saint-Kitts). D’Esnambuc, entouré d’hommes de sac et de corde, se partage l’île avec des aventuriers anglais. Ils ne font pas fortune. Mais ces hommes-là n’ont rien à perdre. En 1635, Charles de L’Olive et Jean d’Ossonville, deux lieutenants de D’Esnambuc, s’emparent de la Guadeloupe, qui est habitée par des Caraïbes, au nom d’une Compagnie française des îles de l’Amérique qui les finance et succède à la Compagnie des seigneurs de Saint-Christophe, tandis que D’Esnanbuc, avec 150 autres aventuriers, chassés de St Christophe, s’établit en Martinique. Une guerre s’engage évidemment avec les autochtones lorsque ces derniers comprennent, après les avoir vu arriver avec un certain amusement, que ces va-nu-pieds parfois contraints de manger leurs bottes, dévorés par les moustiques, ont l’intention de les déposséder, voire de les exterminer. Ces premiers colons des Antilles vivotent en cultivant le tabac, aidés par quelques «engagés», de pauvres hères venus de France, à la recherche d’une nouvelle vie. En 1641, après six ans de résistance, les derniers Caraïbes de la Guadeloupe, massacrés par L’Olive, devenu tout puissant après la mort de son associé, sont déportés sur l’île de la Dominique. Mais les Caraïbes ont du mal à accepter d’avoir été spoliés par les envahisseurs. Des raids sporadiques, notamment sur Marie-Galante, se produiront jusque vers 1658. En 1642, d’autres aventuriers français débarquent à Madagascar, mais la vive résistance des autochtones ne leur permettra pas d’y rester. Chassés en 1674, ils se replieront alors sur les îles voisines qu’ils rebaptiseront l’île Bourbon (La Réunion) et l’île de France (l’île Maurice). Louis XIII, roi très croyant, n’était guère favorable à la mise en esclavage des Africains et, n’y ayant consenti qu’à regret, suite à l’intervention pressante de ses confesseurs, ne fit jamais rien pour l’encourager. Mais après l’avènement de Louis XIV, son fils, en 1643, et la prise en charge effective par ce dernier du pouvoir en 1661, qui correspond au développement de l’économie sucrière, les choses vont prendre une tout autre tournure. L’homme d’affaires Charles Houel est nommé gouverneur de la Guadeloupe et il y introduit la culture de la canne à sucre, déjà pratiquée en Martinique sous l’impulsion d’un Hollandais, Daniel Trezel. La canne à sucre nécessite de grandes propriétés et une abondante main-d’œuvre. En 1649 Charles Houel, profitant des difficultés financières de la Compagnie française des îles de l’Amérique, achète à vil prix la Guadeloupe et ses dépendances pour son propre compte, avec le projet de la rentabiliser en imitant l’exemple donné à la Barbade et la Jamaïque par les Anglais qui se sont lancés dans la culture de la canne de manière très agressive. Sous l’autorité de Houël, les premiers esclaves venus d’Afrique arrivent vers 1650. En 1654, 900 Hollandais, expulsés du Brésil par les Portugais, s’installent, grâce à Houël, à la Guadeloupe avec leur savoir faire, leurs esclaves et leurs économies. Parmi eux, les Bologne, originaires de Rotterdam, ancêtres du chevalier de Saint-George (l’entreprise Bologne, probablement la plus ancienne d’Amérique, existe toujours à la Guadeloupe et continue, pour distiller du rhum, à cultiver de la canne sur les terres acquises en 1654). C’est leur arrivée qui va accélérer le développement aux Antilles françaises de l’industrie sucrière. Les « Hollandais » rachètent les terres jusque là consacrées au tabac par les petits planteurs. Une propriété sucrière, pour être rentable, est en moyenne 4 fois plus grande qu’une propriété destinée à la culture du tabac ou tout simplement vivrière : pas moins d’une cinquantaine de « carreaux » (unité de l’époque représentant 1,29 ha) et pas moins d’un esclave par « carreau ». Dès 1656, il y a 3000 esclaves d’origine africaine à la Guadeloupe, pour une population de 15000 habitants. Pendant ce temps, en Afrique, la Compagnie normande est rachetée, en 1658, par la Compagnie du Cap-vert et du Sénégal. Mazarin lui accorde le monopole de la traite. En 1664, est créée la Compagnie des Indes occidentales sous l’autorité du jeune roi Louis XIV qui charge du dossier son ministre Colbert. Fondée à Ndar (rebaptisée Saint-Louis) mais basée au Havre, elle dispose d’un capital de 6 millions de livres. Elle est déclarée propriétaire, pendant 40 ans, des territoires que la France s’est appropriée sur les côtes d’Afrique. Elle a le monopole du commerce avec l’Amérique. La Compagnie des Indes occidentales obtient le monopole de la traite (jusque là détenue par la Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal) dont elle va en fait peu se servir, car elle mise encore sur le tabac, provoquant de ce fait la colère des colons des Antilles qui importent des esclaves en contrebande – et à prix élevé – en se fournissant chez les Hollandais. La même année 1664, Louis XIV, prenant le parti des planteurs, dissout la Compagnie des îles d’Amérique. Évinçant Houël, il fait racheter la Guadeloupe et ses dépendances par la Compagnie des Indes occidentales qu’il vient de créer. Il impose aux planteurs le régime de l’Exclusif qui les oblige a commercer exclusivement avec la métropole, pour le plus grand profit des ports atlantiques. Très curieusement, c’est à la fin de cette année 1664 que la Reine accouche publiquement au Louvre d’une fille dont plusieurs témoins ont affirmé qu’elle avait la peau très sombre. Une fille officiellement décédée au bout de quelques jours mais qui réapparaîtra comme Mauresse de Moret. Enfin, c’est en 1664 que Louis XIV lance les travaux pharaoniques du château de Versailles (100 millions de livres) avec le projet d’y installer autour de lui une cour qui puisse lui rendre un culte comme s’il était un dieu vivant, ce qu’il imposera en 1682. Il est remarquable de constater à quel point les historiens se font discrets sur la manière dont ces travaux seront financés. Voulant développer le commerce du sucre et l’esclavage, Louis XIV décide de passer à la vitesse supérieure. Il supprime en 1671 le monopole de la traite, ce qui donne aux armateurs des grands ports la possibilité d’envoyer des bateaux en Afrique et d’amorcer ainsi ce qu’on appellera le commerce triangulaire. Départ de bateaux depuis Bordeaux, Nantes et la Rochelle, chargés de marchandises de qualité médiocres (fusils « de traite », munitions, alcool, verroterie) destinées à payer les intermédiaires préposés à la fourniture d’esclaves et à l’approvisionnement du bateau pour poursuivre le voyage. Embarquement d’esclaves razziés par des sous-traitants locaux (travaillant pour le compte, sous la protection et sous l’autorité d’Européens), débarquement aux Antilles des esclaves échangés contre des barils de sucre de canne et du ravitaillement pour le retour. Retour au port d’attache et vente du produit final avec, parfois, 300 % de bénéfice net, une fois l’équipage rémunéré et les les équipements spéciaux de l’expédition payés (les chaînes, dont la Suède s’était fait une spécialité). En 1672, la France entre en guerre contre la Hollande et la Compagnie des Indes occidentales, dont le fonctionnement est perturbé par les hostilités et dont Louis XIV désapprouve la politique axée sur la culture du tabac, cesse de fonctionner en 1673, pour être finalement dissoute en 1674 avec un passif de 5 millions de livres. Les Antilles sont à partir de ce moment directement rattachées à la couronne et deviennent des colonies françaises. Pour accélérer ce système économique nouveau fondé sur la traite et l’esclavage, Louis XIV a créé, dès 1673, la Compagnie du Sénégal. L’arrivée massive de négriers venus des ports français qui, s’il elle abaisse le coût de transport, fait grimper le prix d’achat des esclaves, met vite en difficulté la nouvelle société, qui ne dispose plus d’aucun monopole de traite. Mais peu importe. Le commerce triangulaire est en expansion. C’est ce que voulait le roi qui n’hésite pas à investir personnellement dans les « start-up » négrières. Toute la cour va évidemment l’imiter. L’ère de la culture du tabac s’achève en 1674, avec la création de la ferme du tabac qui ruine tous les planteurs français des Antilles mais enrichit les financiers de Louis XIV. L’esclavage se développe à la Martinique en même temps que la culture du sucre. En 1674, il y a 2400 esclaves à la Martinique. Huit ans plus tard, on en dénombrera 16 000. L’expansion française se poursuit avec la fondation du « comptoir» de Pondichéry en 1674, l’établissement définitif de la colonie de Guyane en 1676, le débarquement en Louisiane de l’explorateur Cavelier de La Salle en 1682. Mais le développement de l’esclavage provoque immanquablement des unions entre les maîtres et des esclaves africaines. Les maîtres ont du mal a considérer leur descendance comme du bétail. C’est là un problème. En 1677 les Français s’emparent de l’île de Gorée et de Rufisque. En 1684, Louis XIV crée la Compagnie de Guinée pour développer la traite et le commerce du sucre entre Nantes et Saint-Domingue, dont il rêve de faire la plus grande colonie du monde. La compagnie a l’obligation de transporter au moins « 1000 nègres par an ». La création de la Compagnie de Guinée donne lieu en 1687 au débarquement à Assinie (Côte d’Ivoire) de Ducasse (né à Pau) ancien marin négrier devenu directeur de la Compagnie du Sénégal et de son acolyte, le chevalier d’Amon, capitaine négrier. Tous deux, pour faire prospérer leurs affaires, ramèneront en France Aniaba. En 1701, après le traité de Ryswick qui met sur le trône d’Espagne le petit-fils de Louis XIV, et surtout consolide l’implantation des Français dans l’île prometteuse de Saint-Domingue, le roi, conseillé par ses richissimes financiers – Antoine Crozat, Samuel Bernard – impose à la Compagnie de Guinée, dont il est actionnaire, le rythme de 3000 Africains par an. C’est à ce moment que le préjugé de «race» devient une nécessité pour pérenniser l’institution esclavagiste. La première réaction est d’envoyer des femmes européennes aux colonies. Mais les colons ne délaissent pas pour autant les esclaves africaines, d’autant que les nouvelles arrivantes ne viennent pas toujours de la meilleure société. Dès 1673, la législation se durcit et devient franchement raciale, les enfants d’une mère esclave et d’un colon subissant désormais le sort de la mère. Elle aboutira au Code noir en 1685. Non seulement c’est le texte juridique le plus monstrueux qui soit, comme l’a souligné le philosophe Louis Sala-Molins, mais c’est surtout le plus cynique. Ainsi, par exemple, sous prétexte d’obliger les colons à prendre soin de leurs vieux esclaves devenus improductifs et de soigner les malades, le code noir incite en fait à faire mourir les déportés en cinq ans et à économiser sur leur nourriture pour en tirer un profit maximal permettant de racheter cinq ans plus tard un esclave tout neuf. Cette consommation rapide de l’esclave accélérant évidemment le rythme de la traite, tout le monde y trouvait son compte. Sauf les Africains. En un siècle et demi, la France allait déporter 1 200 000 hommes, femmes et enfants. Les opérations de capture et de transport occasionnèrent un nombre de morts qu’on peut estimer, rien que pour la France, à 6 millions. Louis XIV accorde des titres de noblesse aux colons pour les encourager à préserver la «pureté du sang» en s’alliant avec des familles nobles de France. Il donnera l’exemple en épousant en 1683 (mais de nuit et fort discrètement) Françoise d’Aubigné, née à la prison de Nantes où était incarcéré son père, un escroc et un assassin qui, après s’être lié avec D’Esnanbuc, deviendrait colon en Martinique. Des théories forgées par des illuminés comme Isaac La Peyrère et mettant en cause l’unité de la nature humaine – en contradiction avec le dogme chrétien - apparaissent dès 1655. Dans ce sillage, l’aventurier François Bernier lance l’idée de « races humaines » dans un article à sensation publié anonymement le 24 avril 1684. D’abord combattues, ces théories seront finalement acceptées et, sous l’impulsion des «philosophes» des Lumières, deviendront un dogme officiel. Ces théories qu’on range sous le terme de « polygénisme » ont l’avantage de mettre les Africains au ban de l’humanité, voire d’en faire des animaux. Elles justifient tout le mal qu’on peut leur faire, l’esclavage et le maintien de la « pureté raciale » dans les colonies. Pendant tout le XVIIIe siècle et jusqu’en 1791, l’esclavage va se développer de manière exponentielle. le nombre d’esclaves atteindra le chiffre prodigieux de 500 000 à Saint-Domingue, qui, conformément aux vues de Louis XIV, deviendra la plus grande colonie du monde. Le rapport de 10 esclaves pour un Européen ne pouvait qu’aboutir au grand soulèvement de 1791. Les théories racistes vont imprégner les esprits pendant un siècle. Malgré l’abolition de la traite, puis de l’esclavage, elles ne cesseront de se développer en France – appuyées par de prétendus arguments scientifiques – et légitimeront une seconde période d’expansion coloniale. Cette période, malgré une apparente « décolonisation », n’est hélas pas révolue; et les théories racistes, apparues en France vers 1670, triomphent encore, trois siècles et demi plus tard, sous différents avatars : droit à la « différence », promotion de la « diversité », des minorités « visibles », de la « négritude » (avec un détournement raciste du sens initial, purement littéraire) etc. Non seulement le substantif « noir » est utilisé couramment dans la presse française du XXIe siècle pour désigner les Africains et les Afro-descendants, mais il est étendu d’office à toute personne dont l’arbre généalogique comporte un ancêtre africain ou afro-descendant à moins de cinq générations – sans tenir compte des ancêtres européens – selon le principe raciste (tiré du code noir et développé pendant tout le XVIIIe siècle) que le mélange d’un Européen avec un « nègre » est une flétrissure qui ne s’efface jamais. Au XXIe siècle encore, dans la presse et l’édition française, pour bien souligner la spécificité de la « race nègre », le substantif « noir » (ou « blanc ») prend généralement la majuscule (qui ne se justifie, selon l’ouvrage de référence Le bon usage, de Grévisse, que s’il s’agit d’un groupe homogène, d’une nation et certainement pas du fait de la couleur de peau) tandis que cet usage, pour d’autres groupes humains, est formellement proscrit, par la presse et l’édition, comme raciste. Le terme de « race », pourtant inacceptable, reste ancré dans la constitution et la législation française, au motif très curieux que ce maintien serait indispensable à la lutte contre le racisme. Cette situation s’explique facilement : malgré les progrès de la génétique qui ont permis de les réfuter depuis longtemps, les élucubrations racistes du 17e siècle, parce qu’elles ont fait la preuve de leur rentabilité, ont toujours la même utilité dans la politique de mise en coupe réglée de l’Afrique. Dans la politique aussi d’exploitation de ses habitants et de leurs descendants, quel que soit l’endroit du monde où ils demeurent. © Une Autre Histoire 2013
Posted on: Fri, 16 Aug 2013 12:38:31 +0000

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