L’autre consensus ! L’interview accordée par La Gazette des - TopicsExpress



          

L’autre consensus ! L’interview accordée par La Gazette des Comores du vendredi 02 aout 2013 à Said Abasse DAHALANI, président du parti MOUROUA, s’est articulé autour de l’état de la nation en dressant un tableau assombri d’un État en déliquescence que tout observateur avisé connaît déjà d’avance les conséquences qui en découleraient dans un proche avenir. Par ailleurs, il a en substance proposé un cadre consensuel à partir duquel les forces vives du pays devraient s’appuyer pour redresser le pays. Il faut reconnaitre que le président du parti MOUROUA est l’une des rares personnalités politiques de notre pays ayant fait une proposition innovante et réfléchie en lançant un débat fécond, pour faire sortir le pays du chaos et de la léthargie dans laquelle ce dernier est plongé, autour d’un « consensus historique » dont le fond me semblerait faire l’objet d’un tiraillement de la classe politique dans son ensemble, à cause de leurs égoïsmes primitifs. Le « consensus historique » proposé par le leader du parti MOUROUA se résume en trois points : le modèle institutionnel qui garantirait l’autonomie des îles, une réforme économique de fond en vue de susciter le développement économique et la question de l’unité nationale dans sa complexité, gage de l’existence d’un état souverain capable de s’affirmer dans le concert des nations. Étant observateurs du microcosme politique sous les bananiers, nous saluons l’initiative initiée par le président du parti MOUROUA, mais nous ne partageons pas entièrement l’approche de sa démarche pour des raisons endogènes inextricablement liées à la sociologie politique des Comores. En scrutant au peigne fin la sociologie politique de notre pays et les mutations tous azimuts opérés ces deux dernières décennies, nous remarquons que les partis politiques n’existent que de noms, car ils ont failli à leur mission ; la plupart des leaders politiques sont tous devenus des quémandeurs de pouvoir en courbant l’échine, quel que soit le prix à payer, pourvu que l’on gagne quelques subsides auprès de celui qui détient le pouvoir. En outre, les Comoriens ne font pas confiance aux hommes politiques sinon les Azali, Sambi, Ikililou, Fazul Mouigni Braka et consorts n’auraient pas pu se frayer un chemin pour parvenir au pouvoir. Ces derniers sont en quelque sorte (dans un passé assez récent) des outsiders de la vie politique, des intrus de la scène politique nationale fabriqués involontairement par les caciques de la politique comorienne à cause de leur divergence insensée et les trahisons multiformes à l’égard du peuple. En d’autres termes, c’est des personnalités issues de nulle part ayant occupé des places, « pré codées et prédestinées à être occupées par d’autres personnes » selon l’expression d’Alain Badiou (2003) , qui ne devraient pas normalement leur revenir. Bref, c’est des « garçons de ménage », selon le langage de la rue, des temps modernes qui accèdent aux fonctions de président de la République et de gouverneur. Nous nous demandons, comment les partis politiques accepteraient-ils de renoncer à leur égoïsme légendaire, socle de tous les antagonismes primitifs que le pays ait toujours connu depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, en transcendant leurs intérêts au profit de l’intérêt supérieur d’un État en pleine déconfiture ? En d’autres termes, comment exhorter la classe politique comorienne à adhérer à une vision politique fédératrice pour l’intérêt supérieur des Comores tout en sachant que les parties fonctionnent sur la base d’intérêts hétérogènes, voire même hétéroclites, ignorant de surcroît l’intérêt supérieur d’une nation? Le « consensus historique » dans le contexte actuel serait, pour les raisons que nous venons d’évoquer ci-dessus, loin de faire l’unanimité des partis politiques en panne de pouvoir. Il faut souligner également qu’il y a un écart profond entre l’élite de notre pays et le reste des masses populaires sur la conception de la gouvernance politique, la démocratie et les valeurs républicaines à défendre quel que soit le régime en place. Il faut noter aussi que dans notre imaginaire collectif, ne serait-ce qu’à la Grande-Comore, l’essence de l’existence et notre raison d’être s’articulent autour de l’accomplissement du grand mariage, une obligation érigée par la société traditionnelle, sous la complicité tacite des régimes qui se sont succédés , comme étant un « devoir civique » et « sixième pilier de l’Islam ». Le « consensus historique » admis unilatéralement par les Comoriens est l’institution du grand mariage avec les valeurs obsolètes et décadentes véhiculées par cette dernière. Il faut admettre que c’est sur le terrain du grand mariage traditionnel que le consensus recherché se manifeste avec grandiloquence. Nous sommes tous d’accord que le grand mariage soit maintenu et entretenu, peu importe les dégâts économiques et les préjudices matériels et moraux occasionnés respectivement pour le pays et aux individus ayant accompli leur « devoir » auprès de la société traditionnel ; mais nous ne sommes pas prêts à bâtir un véritable Etat de droit où les seules valeurs à mettre en exergue sont celles qui sont universellement reconnues en tant que telles. Nous, marginaux de la société traditionnelle, restons convaincus que le jour où les Comoriens se rendraient compte qu’il faut arrêter de dilapider leur fortune pour l’achat du « pouvoir de l’honneur » virtuel, dans l’esprit d’occuper une place sommitale dans la société que Chouzour (1994) qualifie de « désir d’égalité sociale », ils auraient amorcé le véritable « consensus historique » et un grand pas dans le développement. C’est à notre sens le principal consensus que les Comoriens devraient se mettre d’accord avant de poser les jalons d’un véritable développement économique. Mais tant que nous continuerions à faire valoir le grand mariage comme un référentiel pour les générations présentes et futures, le développement serait toujours derrière nous ; il n’y aurait que des clichés comparables au mythe platonicien de la caverne. Le « consensus historique », que le président du parti MOUROUA préconise, devrait à notre humble avis tenir compte de cette réalité sociale qui constitue un écran pour toute idée novatrice. Le Comorien d’une manière générale, quel que soit son milieu socioprofessionnel, vit en dehors de l’échelle spatio-temporelle et en plus il ne croit ni à l’État, ni au développement durable, n’en parle pas d’avoir la tripe républicaine et la croyance aux valeurs démocratiques universellement admises ; mais il s’accroche vaille que vaille à son terroir et aux valeurs véhiculées par la société traditionnelle. C’est le seul pays au monde où l’individu s’identifie par rapport à son village, à sa région et à son île natale avant d’être Comorien, parce que c’est préétabli par l’establishment de la société traditionnelle. Nous espérons que le débat lancé par Said Abasse DAHALANI, président du parti MOUROUA, soit accueilli favorablement par les états-majors des partis politiques et la société civile afin de susciter en chœur un débat national autour d’un certain nombre de points, qui feraient l’objet d’un dénominateur commun aux forces vives du pays, à partir desquels les partis vont élaborer une feuille de route dans un cadre consensuel retrouvé. L’adhésion à ce concept novateur par la classe politique confirmerait que nous avions fait, ex nihilo, une analyse caricaturale et erronée de la classe politique et de la nébuleuse institution du grand mariage, mais je doute fort que le cours des événements de ce mois d’août, tel que nous les vivions ces derniers temps, me donnerait entièrement raison à moins que l’on me fasse démontrer le contraire. Il est vrai que la critique est aisée, l’art est difficile ; mais on ne peut pas dénier la progression de la pensée contradictoire, fondement de la dialectique hégélienne, jusqu’à un certain seuil de dépassement des contradictions. Ali Batlet : Géographe, spécialiste en développement durable
Posted on: Mon, 02 Sep 2013 07:22:45 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015