texte du 14 janvier 1969 Je suis tombé aujourd’hui, en bibliothèque, en feuilletant le Laffont-Bompiani, sur une photo qui a failli m’arracher un cri (lequel aurait troublé l’atmosphère électrique déjà de la salle de lecture, avec les grommellements d’Yvonne et les rumeurs sous cape des élèves ; je crois même qu’il y aurait eu une explosion généralisée). Il s’agit de Mathieu Klossowski dans Le Mur, un film d’après Sartre. Or, ce visage EST celui de S., et cette main LA SIENNE ! ! ! Je suis resté en arrêt devant cette apparition de mon ami sur ce papier : je n’étais pas triste, au contraire, je pensais qu’il venait ainsi me saluer pour me dire qu’il m’accompagnait partout et pour le futur, et qu’il revivrait en moi à jamais. Et puis j’étais intrigué par un détail sans savoir lequel. Au bout d’un moment, j’ai remarqué ce détail : les cheveux ! Ils n’étaient pas bouclés comme les siens : c’étaient LES MIENS ! ! ! Je lui ai dit au fond de moi : “ S., tu es venu me rendre visite en te coiffant de mes cheveux. Je comprends tout : sous ces cheveux je m’habille, moi, de ton corps. ” Alors, j’ai été envahi par une vague de tendresse aux embruns succulents et je voyais des larmes de bonheur couler sur son visage et j’ai dû sortir précipitamment à la grande irritation d’Yvonne Chabert qui ne comprenait pas pourquoi je laissais tout en plan. Je suis allé jusque dans la cour et là j’ai ri, j’ai ri aux éclats, comme un dément au sommet de sa crise de folie. Le censeur Glock, que nous surnommons : “ j’ai deux ailes au cul ” (GLLOQ), qui passait par là avec son air de fouine, est venu m’engueuler. Je me suis excusé et j’ai repris ma place en bibliothèque. (Je remarque que dans mon nom il y a aussi Q et deux L, mais je ne pense plus devoir adopter le patronyme de ma mère comme nom de plume, car j’aime bien l’idée de ces deux ailes, qui sont ma dualité.)
Posted on: Fri, 25 Oct 2013 21:46:25 +0000