C’est une situation injuste et paradoxale. D’un côté, - TopicsExpress



          

C’est une situation injuste et paradoxale. D’un côté, Döblin est admiré de quelques-uns parmi les plus grands : Brecht, qui élabore son « théâtre épique » à partir de certaines des techniques romanesques théorisées et mises en oeuvre par lui, Musil, qui admirait son épopée Manas (1938), Gottfried Benn, qui voyait en lui « un écrivain gigantesque », Grass, qui fait de lui son « maître » ; de l’autre, on a une réception très en deçà de ce que promet l’œuvre, qui ne jouit pas de l’accueil réservé par ailleurs en France à des gloires louches comme Ernst Jünger. Cela tient pour partie à son caractère inassignable, ainsi qu’au personnage incommode de l’auteur, rétif à l’embrigadement, provocateur ; son parcours personnel, depuis ses années de rebelle d’avant-garde fréquentant les cercles expressionnistes dans les années dix jusqu’à sa conversion au catholicisme en 1943, paraît peu lisible, fluctuant, contradictoire. On ignore que cette aptitude au renversement permanent est la manière même de Döblin, qui n’a « jamais dit oui sans dire non immédiatement après ». Cela n’est pas de l’inconsistance, c’est même exactement le contraire, cela consiste à tester une position provisoirement acquise en fournissant les arguments qu’on aurait de tenir la position contraire, à la façon de Pascal dont Döblin était un lecteur : « A la fin de chaque vérité, il faut ajouter que l’on se souvient de la vérité opposée ».
Posted on: Sun, 01 Sep 2013 06:30:57 +0000

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