Témoignage et réflexions Régis Debray en Bolivie et en - TopicsExpress



          

Témoignage et réflexions Régis Debray en Bolivie et en Haïti par Claude Ribbe* En 2004, la France se réconciliait avec les Etats-Unis en participant au renversement du président Jean-Bertrand Aristide. Côté français, le coup d’Etat était organisé par l’intellectuel pseudo-révolutionnaire Régis Debray. Témoin privilégié de ce drame, l’écrivain Claude Ribbe, qui fut membre de la Commission internationale d’experts sur la dette d’Haïti, relate ici le complot, la campagne de diffamation contre le président Aristide, son enlèvement et sa séquestration. Paris avait prévu de réinstaller au pouvoir l’ex-dictateur Jean-Claude Duvallier, mais les Etats-Unis imposèrent au dernier moment leurs hommes, Boniface Alexandre et Gérard Latortue. Debray, négationniste de l’esclavage Dès 2002, j’avais tenté d’attirer l’attention d’un certain nombre de responsables de tous bords sur l’intérêt qu’il y aurait pour la France de participer dignement à la célébration du bicentenaire d’Haïti, prévue pour le 1er janvier 2004. Parmi ces responsables, Valérie Terranova, très proche de Jacques Chirac et officiellement conseillère à la Présidence de la République pour la francophonie... J’avais tenté d’expliquer à cette jeune femme parfaitement superficielle et inculte, les origines haïtiennes des Dumas et la nécessité d’assumer avec dignité notre passé esclavagiste pour mieux combattre le racisme. C’était également une manière d’aider les Haïtiens à sortir du marasme où la France avait largement contribué à les plonger. D’après le rapport qu’elle fit de notre rencontre, ce qui fut retenu à l’Élysée était l’imminence des célébrations du bicentenaire (auxquelles, par ignorance, personne n’avait songé), le fait que les anti-napoléoniens s’organisaient à Port-au-Prince, la dangerosité de certains nègres français plus intelligents qu’on aurait pu le croire et l’urgence de parer le coup en montant rapidement une expédition punitive. Il lui fallait un général. On choisit Régis Debray et on lui assigna une double mission. D’abord constituer un rempart d’intellectuels contre la montée des revendications « mémorielles » en France. La seconde mission était de saboter le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti et de prêter main forte à un probable coup d’Etat décidé par Washington contre Aristide, qui était le premier président démocratiquement élu de l’histoire d’Haïti et qui avait l’audace d’évoquer le passé peu glorieux de la France : 150 ans d’esclavage, 1 million d’Africains déportés, 5 millions de morts en Afrique du fait de cette déportation d’une part, un racket de 21 milliards de dollars imposé manu militari par Paris en 1825 d’autre part [4]. Debray, devenu grenouille de bénitier, était l’ami intime de la soeur de Dominique de Villepin, Véronique Albanel, épouse d’un général de l’armée de l’air dont Villepin envisageait de faire le chef d’état major des armées. La générale animait une mystérieuse association en télépathie avec le Vatican, dénommée Fraternité-Universelle, disposant en apparence de gros moyens, et qui était présente, sous prétexte d’intervention humanitaire, sur tous les points chauds du tiers monde et en particulier en Haïti. Cette Mata-Hari de confessionnal recrutait à sciences-po, via l’aumônerie. Debray était ravi de pouvoir se prosterner aux pieds des puissants du moment : Chirac, Villepin. Il allait redevenir, comme sous Mitterrand, le conseiller du prince. Il pourrait faire livrer des armes à ses vieux amis sans d’ailleurs forcément utiliser la procédure normale. On lui redonnerait peut être même un bureau à l’Elysée. Côté Haïti, Villepin donna des fonctions officielles à Debray et des moyens financiers en le nommant président d’une commission chargée de « réfléchir » sur les relations franco-haïtiennes. La mission véritable était de préparer un coup d’Etat. La partie diplomatique de cette opération fut confiée à trois hommes : Philippe Selz, ancien ambassadeur au Gabon, placé auprès de Régis Debray pour déstabiliser Haïti en Afrique, Thierry Burkard, beau-frère d’un entraîneur de chevaux de course à Chantilly, nommé ambassadeur à Port-au-Prince pour orchestrer la chienlit locale, Eric Bosc, secrétaire à l’ambassade de France, chargé de désinformer la presse française depuis Port-au-prince et d’accorder des visas aux « bons » Haïtiens, c’est-à-dire ceux qui accepteraient de venir à Paris cracher sur le président démocratiquement élu. (..) Jean-Claude Duvalier, clandestinement hebergé par la France depuis 1986, était toujours actif. Il fut mis dans la boucle. N’était-ce pas Debray qui avait géré son arrivée en France en 1986 au moment de la transition entre Fabius et Chirac ? Duvalier n’était pas venu les mains vides. Dans l’avion des services secrets US qui l’avait déposé à Grenoble, il y avait 900 millions de dollars d’ « économies », ce qui explique sans doute que son séjour temporaire en France, prévu pour six mois, se soit prolongé pendant 24 ans sous haute protection policière. Tous les ministres de l’Intérieur qui se sont succédés durant ce quart de siècle ont juré croix de bois croix de fer qu’ils ne savaient pas où il était. (..) La chose qui me semblait louche, c’était que les journalistes français se déchaînaient contre Aristide, mais ne parlaient jamais de Duvalier, que la France hébergeait pourtant. Il faut dire qu’Aristide, en ce 7 avril 2003, avait eu l’audace de faire savoir aux Français qu’il avait fait le calcul de ce qu’avait coûté en définitive, emprunts compris, le racket imposé par la France en 1825. Il en arrivait au chiffre de 21 milliards de dollars. La perspective d’un procès engagé par le petit Etat pour faire valoir ses droits avait mis en effervescence le gouvernement français, et surtout Villepin, ministre bonapartiste des Affaires étrangères, qui se voyait président de la République française en 2007. A ma grande surprise, Aristide m’invitait à venir le voir pour bavarder de l’histoire d’Haïti. J’en provoquai l’occasion en proposant un livre d’entretiens à Jean-Paul Bertrand, mon éditeur depuis huit ans, qui m’envoya bientôt sur place. C’est à cette occasion que je pus converser pendant une trentaine d’heures en tête à tête avec celui qui était présenté par la presse putschiste comme un dictateur vicieux et pervers. J’ai bien entendu conservé en lieu sûr tous ces enregistrements, qui annonçaient exactement tout ce qui a pu se passer par la suite. Mon impression, corroborée par une minutieuse enquête sur le terrain, fut très différente de ce que j’avais entendu à Paris. Je découvris un homme sympathique, doux et cultivé qui n’avait nullement renoncé aux objectifs sociaux qui, par deux fois, l’avaient fait élire à une très large majorité.
Posted on: Sat, 03 Aug 2013 07:54:32 +0000

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